chapitre 2: matinée à la ferme

96 15 21
                                    


J'ai très peu dormi cette nuit. Inutile de vous dire pourquoi. J'appréhende tellement ce shooting photo. À tous les coups, on va devoir être proche, pour paraître naturel.

Hier, en rentrant du dîner, j'étais silencieuse, et mes parents avaient beau me demander pourquoi, je ne répondais pas. Ils savent que je ne porte pas dans mon cœur Diego, et sont au courant de toutes les crasses qu'il m'a faites, mais apparemment ça ne les dérange pas. Au contraire, ils veulent que je me rapproche de lui. C'est insensé.

Je vais devoir prendre sur moi, mais je le fais pour ne pas créer de problèmes à mes parents avec les Besson. Ce serait immature de ma part. Alors que je faisais la sourde hier dans la voiture, mes parents me disaient "si ça se trouve, il a changé", ou encore "il était gentil ce soir, et je pense que cette alliance va le rendre gentil avec toi". Moi, je sais qu'il n'a pas changé, étant donné tous les regards noirs qu'il m'a échangés hier.

Je suis pourtant gentille et une fille sans problème, mais il semblerait qu'il prenne goût à me détester, pour mon plus grand désarroi.

Le shooting photo est ce soir chez les Besson, et ça se passera dans leur immense jardin, il parait. Le pire étant que mes parents ne seront même pas avec moi pour me rassurer, ils ont un rendez-vous. Je vais devoir me retrouver seule avec les Besson. Ça s'annonce super.

Après avoir tant réfléchi, je décide enfin de me lever en voyant que le soleil commence à illuminer ma chambre à travers ma fenêtre. J'enfile mes bottes ainsi qu'une salopette bleu marine, et mon bandeau préféré. Ce n'est pas la meilleure des tenues, mais c'est la plus pratique pour aller travailler à la ferme.

En effet, là, la seule chose dont j'ai besoin, c'est d'aller m'occuper de mes petits animaux, pour éviter de penser à ce soir. Je passe la majorité de mon temps avec eux, parce qu'ils me font me sentir bien. Les animaux me font oublier mes problèmes, et avec eux, je n'ai pas besoin de parler. Ils ne sont pas méchants, et n'ont pas les vices des humains. Parfois, quand je ne me sens pas bien, j'ai le sentiment qu'ils ressentent ma peine à travers leurs yeux doux et leur attitude bienveillante envers moi.

En descendant les marches de l'escalier, j'arrive au salon où se trouvent mes parents sur le canapé, en train de lire ce qui me semble être des documents qui sont répartis sur toute la surface de la table basse. Leur lunette sur le bout du nez, ils ont l'air très concentrés. Il remarque ma présence lorsque Lucky, notre chien, me saute dessus, heureux de me voir. C'est son petit rituel matinal. Lucky est un beau berger allemand qui a maintenant 5 ans. On l'avait trouvé à la rue lorsqu'il était bébé, dans un sale état, et depuis, on avait décidé de le garder.

—Bien dormi ma fille ?

—Bof, dis-je dans ma barbe

—Écoute, à propos de ce soir...

J'interromps ma mère en disant :

—Je vais le faire seulement pour vous.

Mes parents se mirent à sourire tristement et à reprendre leur lecture ennuyante lorsque je sortis dans le jardin. Je m'élance dans l'allée de cailloux pour rejoindre la ferme qui est bien clôturée à l'aide de grillages, pour éviter la fuite des animaux. Deux seaux à la main remplie d'eau, je me dirige vers les animaux afin de donner à boire à chacun d'entres eux.

Je passe voir les poules pour récupérer quelques œufs, les chevaux qui m'ont l'air bien joyeux aujourd'hui, les cochons, les ânes et les vaches. Tous les animaux me saluent chaleureusement, puisqu'à peine rentrée dans leur enclos, ils se précipitent tous vers moi, et je me fais même lécher les bras et les jambes par quelques courageux.

L'animal le plus vieux de la ferme est une vache, que j'appelle Éline depuis que je suis toute petite. Elle a 18 ans, mon âge, et je sais que c'est bientôt son heure étant donné ses mouvements très lents, et sa peine pour devoir s'allonger par terre ou même se lever. L'espérance de vie d'une vache est d'environ vingt ans, et je pense qu'elle aura tout de même vécu une belle vie à nos côtés, même si cela m'attriste de penser qu'elle va bientôt nous quitter.

Je caresse tendrement sa tête, puis je la salue avant de quitter la ferme pour rejoindre les plantations dans lesquelles travaille Ambre, une de nos employés. Elle travaille ici depuis longtemps, et au fur et à mesure du temps, on a développé une relation fraternelle. C'est comme ma grande sœur, malgré nos dix ans de différences. Tous les jours, je passe la voir, et je lui raconte ma vie, tandis qu'elle travaille. Ça lui fait passer le temps, et elle s'ennuie moins. Quelques fois, je l'aide quand je vois qu'elle peine, mais sinon je suis assise sur une grosse botte de foin, et je lui parle.

Ambre prend son pied ici, elle s'occupe de tant à autres des animaux et des plantations. Elle ne nous déçoit jamais, et souvent, elle fait des heures supplémentaires en restant toute la soirée, alors que mes parents ne lui ont rien demandé.

En quittant la ferme, je me dirige vers le fin fond du jardin où se trouvent nos multiples plantations de fruits et de légumes. Les allées de fleurs aux couleurs variées nous emmènent à destination.

Je salue les quelques employés qui passent avec leur brouette remplie de foin, ou de terre. Ici, tout le monde se connaît, et mes parents entretiennent une bonne relation avec eux. En effet, selon mes parents, le sentiment pour un salarié de se sentir dans une famille à son travail les rend joyeux, et cela entraîne une bonne atmosphère de travail.

Au rayon des pommiers, j'y trouve Ambre, perchée sur une échelle pas très haute pour y récupérer les pommes mûres.

—Salut toi !

—Jeanne ! Ça va ?

—Bof et toi ?

—Je cueille des pommes, tout va bien. Comment était le dîner hier alors ? elle m'interroge en prenant le temps de se retourner, la main essuyant son front transpirant, pour me voir avec un beau sourire.

Pour raconter une histoire comme celle-ci, il me faut m'asseoir. Je pose mes fesses sur une botte de foin, avant de tout lui raconter.

—Donc ce soir t'a une séance photo avec ce mec ?

—Eh ouais, dis-je en plaçant ma tête entre mes jambes, désespéré. Le pire, ce sera de devoir voir ma tête en portrait avec cet imbécile sur les médias, et en tableau au restaurant aussi, comme si ça ne suffisait pas.

Elle ricane gentiment, avant d'ajouter :

—Tu n'as vraiment pas de chance, finit le lycée et pourtant tu dois encore le côtoyer.

—C'est ça le pire, je vais finir par croire que le destin veut que l'on soit ensemble, ce n'est pas possible autrement, dis-je en rigolant.

—En tout cas, tu ne te laisses plus marcher dessus s'il te plait. Ne le laisse pas te blesser, déjà qu'il a gâché tes années collège et lycée, là, tu ne le laisses plus faire.

—Oui oui, je sais, ne t'inquiètes pas, il ne m'aura plus, dis-je pour rassurer mon amie.

La vérité, c'est que je n'ai absolument pas de répartie. Je n'ai pas peur de lui, mais peur de ce qu'il pourrait faire, alors je préfère ne rien dire, c'est la meilleure chose à faire, non ?

𝙒𝙝𝙚𝙣 𝙩𝙬𝙤 𝙬𝙤𝙧𝙡𝙙𝙨 𝙘𝙤𝙡𝙡𝙞𝙙𝙚Où les histoires vivent. Découvrez maintenant