chapitre 6: "Didi!"

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Je me suis levée tôt ce matin, à cause de mon manque de sommeil. Je repensais à la couverture du magazine. Horrible photo au passage... Hier, dès mon réveil, mes parents étaient excités de me la montrer. Ils m'ont remercié, évidemment, et raconté à quel point ils sont fiers de moi. Tant que je leur ai fait plaisir, c'est le principal.

Ambre quant à elle s'est moquée de moi lorsqu'elle a vu la couverture du magazine. Elle a raison, y a de quoi rire. Je me retrouve affiché avec mon pire ennemi, et en plus, j'ai l'air heureuse sur la photo. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris ce jour-là d'ailleurs, car quand on observe bien l'image, on peut voir que je le regarde avec des yeux doux, et lui aussi étonnement.

Je me remémore alors ce qu'il s'est passé. Quand il m'a collé contre lui, et que nos bouches étaient prêtes à s'unir. Je me rappelle avoir oublié la haine présente entre nous, le temps d'une minute. Ce sont ses yeux hypnotisant qui m'ont fait agir de la sorte. Ce mec est répugnant, il m'a harcelé du collège au lycée, et moi qu'est-ce que je fais ? Je lui fais les yeux doux.

J'espère qu'il n'y aura plus de séance photo avec lui ou de trucs du genre parce que là, je me verrais refuser. De toute façon, nos parents ne sont pas censés avoir besoin de nous, donc ça devrait aller.

Trêve de penser à ce mec. Comme à mon habitude, je vais saluer les animaux, pour les nourrir et les chouchouter un petit peu. Éline, ma star, paraît plus en forme que d'habitude, alors ça me réjouit. Elle qui peine à se lever pour venir me voir, aujourd'hui quand je suis rentrée dans l'enclos des vaches, c'était tout le contraire, elle était au taquet.

Hier, j'ai pu assister à l'accouchement d'un cheval ! C'était impressionnant, et j'aimerais savoir si la mère et son petit se portent bien, après ce moment douloureux.

Dès lors que j'entre dans leur enclos, je tombe sur la mère allongée enlaçant son petit, et le petit allongé aussi, caressant sa petite tête dans le cou de sa maman. C'est tellement mignon que je n'ai pas envie de gâcher ça. Je repasserai leur donner à manger, ça peut attendre.

—Jeanne, à table ! s'écrie ma mère depuis la porte fenêtre de la maison, si fort que j'ai pu l'entendre de la ferme.

Ni une ni deux, je cours vers ma maison, affamé. Au menu : frites et escalope de poulet à la crème, mon repas préféré.

—On aimerait te parler de quelque chose, Jeanne, dit mon père, en même temps que je saisis le sel.

En général, lorsque les conversations débutent de cette manière, ça ne sent pas bon. J'avale ma salive, avant d'ajouter :

—Dites-moi.

—Et bien, ton père et moi sommes d'avis pour que tu fasses des études.

—Des études de quoi ? Je suis très bien ici, dis-je en trempant une frite dans le ketchup pour la dévorer.

Mes parents échangent un regard complice, avant de poursuivre :

—Il s'agit de ton avenir Jeanne. Tu ne vas pas travailler ici jusqu'à la fin de ta vie, ce serait du potentiel gâché !

—Mais je vous ai dit, je n'ai pas besoin de faire des études ou quoi que ce soit d'autre, je me sens bien là. Travailler à la ferme ou aux plantations, j'adore ça! Surtout les animaux, je ne veux pas les abandonner.

—Tu ne voulais pas faire des études d'anglais ?

—Oui enfin ça m'a l'air compliqué.

—Et pourquoi pas vétérinaire, puisque tu aimes les animaux ?

—Il y a beaucoup d'années d'études et ça a l'air difficile, dis-je d'une voix neutre, comme s'il n'y avait pas de réponse à leur problème.

—Tu n'aurais pas une passion ?

J'en ai une, en effet, mais je n'ai aucun avenir là-dedans. L'art, c'est compliqué. Et, même si je leur disais, et que je postulerais, je suis absolument sûre de ne pas être prise, et je me serais fait des illusions pour rien. Ensuite, je serais déçue, je me dirai que je peins pour rien, que toutes mes toiles ne sont pas si belles que ça au final, et je les jetterais.

J'aime peindre sans que personne le sache, sans être sous la contrainte.

—Oui, j'en ai une, et c'est m'occuper des animaux de la ferme, et des plantations. Ce quotidien me plaît, et merci de vous inquiéter pour moi, mais il n'y en a pas besoin.

Je sens la colère de mon père puisque le voilà désormais le poing serré, les sourcils froncés, et un regard d'assassin, qui j'avoue, me donne des frissons. Je n'avais jamais vu mon père de la sorte.

—Ca suffit ! Tu ne peux pas travailler ici, un point c'est tout ! Tu as du talent, tu es studieuse et il ne faut pas gâcher ça, alors tu vas me trouver des études, sinon je te vire de la maison !

J'ouvre la bouche, choquée par les propos que venait à l'instant de tenir mon père. Mon propre père qui veut mettre à la rue, simplement, car je ne veux pas faire d'étude. Mon bonheur, il est ici, auprès d'eux, auprès de nos employés bienveillants, auprès d'Ambre et de tous ces animaux que je ne veux pas laisser

Cette conversation devait arriver depuis longtemps, et à chaque fois, je changeais de sujets, mais cette fois-ci, ça n'a pas marché.

Je n'ai aucune idée des études que je souhaite faire ! Je n'y pensais pas depuis longtemps, pour moi, j'allais rester là, je ne me voyais pas faire autre chose. Voilà maintenant que mon père souhaite me mettre dehors, uniquement pour une histoire d'avenir. J'avais les larmes aux yeux, et mes parents, lâches, baissèrent la tête, pour éviter mon regard.

Je ne reconnais pas mon père. Jamais il ne m'avait parlé de la sorte.

Après une longue minute de silence, dépassée par la situation, je décide de partir. Je ne veux pas rester là avec eux à table à continuer de manger comme si de rien était. De toute façon, mon appétit avait disparu.

Je sortis de la maison en courant, puis, j'allais en direction de la montagne, les larmes coulant à flots sur mes joues. J'essayais de comprendre la raison qui a poussé à bout mon père. Lui avait bien décidé de vivre du métier de fermier, alors pourquoi pas moi ?

Au fur et à mesure que je m'approchais de la montagne, j'entendis une voix d'enfant qui criait. Peut-être qu'il est en danger, sa voix tremblait, et cet enfant paraissait être en détresse, alors je courus de plus en plus vite, allant à gauche puis à droite vers la source du bruit.

—Didi, où es-tu ? criait un enfant en pleure tout en courant à tout va à la recherche de ce fameux "didi".

—Qu'est-ce que tu fais tout seul toi ? Je demande à l'enfant en détresse. Il à l'air d'avoir quatre ans, les cheveux blonds courts, un sac sur le dos Cars, et des vêtements rouges unis.

—Je cherche mon frère, répond-il en pleurant.

Ça me fait mal au cœur. Je vais l'aider à retrouver son frère, je ne peux pas le laisser comme ça.

—Et alors comment il s'appelle ton frère ?

—Didi ! annonce-t-il, tout fier.

—Et c'est où la dernière fois que t'as vu Didi? je demande en me baissant pour être à sa hauteur.

—Là-bas, dit-il en pointant du doigt la montagne.

Il a marché, dites donc, sans que personne l'ait aidé malgré ses cris de détresse. Le pauvre, heureusement que je suis là pour l'aider. Il prit ma main que j'accepte volontiers, puis tous deux, nous marchons, en direction de la montagne pour retrouver son frère qui, visiblement, n'a pas su faire attention à lui...

𝙒𝙝𝙚𝙣 𝙩𝙬𝙤 𝙬𝙤𝙧𝙡𝙙𝙨 𝙘𝙤𝙡𝙡𝙞𝙙𝙚Où les histoires vivent. Découvrez maintenant