5.Eveil

88 10 21
                                    

Je n'étais pas prêt. Et je ne crois pas exagéré de penser qu'il était impossible de l'être.

A l'instant ou j'ai pu enfiler le médaillon, j'ai senti quelque chose s'insinuer, se multiplier et se propager au plus profond de moi. Comme quelque chose qui remonterait subitement de l'estomac vers la cage thoracique pour se répandre dans mes membres. Ce n'était ni douloureux ni oppressant (heureusement) mais les sensations restaient grisantes, impérieuses, écrasantes. J'avais fermé les yeux en essayant de calmer mon cœur qui battait à 300 à l'heure, enfin à peu près, j'avais pas compté. Tout s'était teinté d'une aveuglante lumière incolore. J'étais comme suspendu dans le temps et l'espace, un peu partout, mais au milieu de nul part, parcouru de décharges électriques, les membres tétanisés.

Mais merde, qu'est-ce qui m'arrive?

Ce bref instant suspendu dans l'éternité prit fin aussi subitement qu'il avait commencé. Cette vague que j'avais senti monter en moi avait fini par me submerger de sensations contradictoires et extrêmes. J'avais chaud. J'avais froid. J'avais l'impression fugace d'avoir éclaté tout en restant unique. L'impression de planer et d'être cloué au sol. D'être capable de tout voir les yeux fermés, d'étouffer sans suffoquer.

— C'est pas le moment!

Le couinement de Tim me tira de cet instant avec la puissance de l'élastique qui cède et revient dans les dents. J'ouvris les yeux tout grands pour voir arriver un énorme poing dans ma figure. Parcouru de veines noirâtres qui pulsaient. Toutefois il arrivait... lentement. Comme si la créature comptait essayer de me tabasser en slow motion. Étrange idée. J'esquivais sans vraiment de problème cette agression plutôt pathétique avant de m'étaler trois bon mètre plus loin. Je m'étais bêtement tordu la cheville. Et je m'étais écrasé beaucoup plus loin que prévu.

— Bordel c'est quoi le délire?

Ma voix sonnait bizarrement. C'est à ce moment que j'ai réalisé. Quand j'ai regardé ma chaussure. La jambe que je fixais n'étais clairement pas la mienne. Je portais rarement des escarpins et la jupe plissée. Pas besoin de faire le tour du proprio pour réaliser que j'étais devenu·e une nana. J'avais intégré les infos en quelques nanosecondes : mon corps et la créature qui n'allait certainement pas avoir la politesse d'attendre que j'accepte l'idée.

Encore une fois, je vis très nettement arriver le monstre, et mon nouveau corps sur-réagissait. J'étais –pour être honnête– du genre pataud et maladroit en temps normal. Et je n'ai jamais été une force de la Nature (c'est le moins qu'on puisse dire). A l'inverse, je me sentais léger (légère, devrais-je dire) souple et particulièrement véloce. Et ce, malgré les talons. Il faut croire que je m'étais laissé·e surprendre. Ca ou le temps d'adaptation. Mais d'abord, la priorité, c'était le truc hideux qui beuglait de rage.

Je courus à une vitesse qui me surprit moi-même pour attraper Temuji qui se planquait. Manque de chance, j'arrivais beaucoup trop vite. Au moment de freiner, je fus rapidement rattrapé·e par ce phénomène physique décrit par la deuxième loi de Newton. Vous connaissez sans doute. Et bien j'arrivais à peu près comme une voiture ou un train lancé à plein vitesse contre un obstacle. Mon prof de physique aurait été fier de moi. Enfin, surtout de lui, plus vraisemblablement.

«Expérimentez par vous-même!», qu'il disait.

D'une main, j'attrapais Tim et me mis à rouler sur moi-même. Un peu pris·e de panique, je repliai mes jambes en tâchant d'amortir de mon autre bras et soudainement, mes muscles semblaient réagir tout seuls. Comme ça. Alors que je sentais la peur m'envahir, les réflexes de ce corps semblait reprendre la main (c'était le cas de dire) pour nous sauver la mise.

Comme une fille! [achevé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant