48. Rétrospection

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Trois ans s'étaient écoulés depuis mon couronnement. Trois longues années de luttes politiques, de querelles intestines et de conflits larvés pour rétablir le chaos semé par la rébellion de Calixte. 

Et aujourd'hui, je circulais dans mon carrosse-limousine dans une cité pacifiée, loyale qui m'était totalement dévouée et totalement sous contrôle. Je saluais stoïquement les péquenots, les gratifiant d'un de mes sourires les plus sibyllins. Pour une raison inconnue, ils semblaient raffoler de ce genre de choses. 

J'avais en effet réussi à rétablir mon pouvoir et asseoir mon autorité absolue. Et pourtant, dans un premier temps, seuls quelques petites seigneuries adjacentes étaient revenues vers moi. Les autres avaient choisi de faire la sourde oreille. Ce qui causa leur perte, ça allait sans dire. 

«—Majesté, une nouvelle supplique vient de me parvenir. Voulez-vous en prendre connaissance?»

Le vieux magicien faisait défiler sur sa tablette magique les dépêches du jour. Depuis son séjour chez les humains, il n'arrêtait d'inventer des choses plus ou moins utiles, prétextant que c'était l'avenir de la communication. Si ça pouvait me servir, c'était toujours bon à prendre.

J'avais également réussi à lui rendre son aspect d'origine. Ce qui ne fut pas non plus une mince affaire. Cela avait eu au moins l'avantage de le dissuader de s'adonner à son passe-temps pour le moins dérangeant. 

Malheureusement, n'ayant plus d'excuse pour le tenir à l'écart, j'étais obligée de le trainer partout avec moi. Une chose que j'avais apprise du monde des humains, c'était cet adage : «garde tes amis toujours près de toi et tes ennemis, plus près encore.» Il n'était pas un ennemi à proprement parlé, mais il n'était pas digne de confiance. Et quant aux humains, j'avais décider de garder un œil sur ce monde, de loin pour l'instant. J'avais prévu de m'y intéresser très prochainement. 

«—De qui est-elle, cette fois?
—La Princesse Serin-Li. Au moins, Votre Altesse, celle-ci est un très bon parti, si vous voulez mon avis.
—Ce qui tombe très bien vu que je ne te le demande pas. Tu sais très bien que je n'ai pas la tête à ça pour l'instant.»

J'en étais à ma 38ème demande en mariage. Et les suppliques arrivaient ainsi en continu depuis un peu plus d'un an. Je n'avais vraiment pas envie de me lancer dans les formalités nuptiales et consulaires alors que je venais à peine de rétablir l'ordre. Etre courtisée nécessitait d'avoir l'esprit libre et l'humeur badine pour que ce fût agréable. Dans mon cas, ce serait une épouvantable corvée et une source de distraction que je ne pouvais me permettre.

Toutefois, recevoir des suppliques m'indiquait aussi l'état de mes relations diplomatiques avec mes voisins : plus j'en recevais, mieux c'était. 

«—Un mariage avec elle pourrait singulièrement vous aider dans votre reconquête.
—Ou alors dévoiler aux royaumes voisins que nous nous relevons à peine d'une période de grands troubles. Serin-Li est une abominable commère, tu le sais très bien.
—Vous avez aussi rejeté la demande du Prince Fijn.
—Il y a encore un problème qui me préoccupe.
—Je vous envoie la supplique sur votre GSM.»

Je poussai un bruyant soupir en glissant la main dans ma pochette pour m'assurer que mon Galet Servant de Messagerie était bien éteint. Ce caillou rectangulaire et parfaitement plat comptait au nombre des dernières inventions de Temuji et je trouvais ses notifications vibrées ou sonores insupportables.

«—Ce n'est qu'un problème mineur, Majesté. Nous allons le régler facilement, vous avez déjà fait le plus dur.»

Le plus dur, c'était un doux euphémisme. Je me surpris encore à triturer mon collier. Même après tout ce temps, le porter me dérangeait encore. Il aurait fallu m'en débarrasser, il ne me servait de toute façon plus à rien. J'avais fusionné avec les Mânes de Miss, Azilith, Melichor et D'Ælin et dissous officiellement l'Egide. J'étais toute puissante désormais et j'incarnais de manière très littérale la justice et la sécurité.

Comme une fille! [achevé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant