50. M'Alice

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«—Ils arrivent, boss.
—Restez pas plantés là comme des navets. Préparez-vous.»

Il fallait tout leur dire à ces deux là. Sans doute pas les plus malins que j'ai pu recruter. Toutefois, ils étaient solides, les gaillards. Et je ne leur en demandait pas plus. Ils regagnèrent leur poste pendant que les autres membres du commando se cachaient aux emplacements stratégiques. Les rochers. Les plus gros troncs. Les archers dans les canopées.

L'odeur d'humus légèrement décomposé masquait les fragrances de sueurs rances, le bruissements des insectes camouflait les respirations et les cris des oiseaux reprirent leurs rythmes habituels, étouffant le cliquetis des armes. Tout était paré pour que l'effet de surprise fut total. Même le timing était parfait, la lune diurne donnait la clarté parfaite pour nous : elle nous permettait de voir sans être vus. Les conditions étaient juste idéales. 

Le retour ici n'avait pas été si simple. J'avais mis du temps à retrouver mes marques. Ce qui n'avait rien d'étonnant compte tenu de ce qui m'était arrivée. J'y repensais presque à chaque fois, avant chaque embuscade. Une sorte de rituel, en quelque sorte.

J'étais revenue depuis quelques années maintenant, mais c'était comme si je restais bloquée. Je savais pas trop pourquoi. Sans doute cette expérience bizarre avec Temuji et mon passage chez les humains. J'étais de retour à la fois dans le royaume Minarii et mon corps. C'était largement suffisant pour moi.

Calixte avait foutu un sacré merdier. J'aurais jamais pensé que ça partirait autant à l'ouest. Cette garce de Reine avait peut être réussi à tout reprendre aux seigneurs de guerre, mais pas cette partie de la forêt : c'était la mienne.

Sans surprise, plus la Reine étendait son influence, plus les mécontents se réfugiaient dans les bois. Et dans les bois, c'était sur moi qu'ils étaient tombés. Je me suis ainsi retrouvée à la tête d'une petite communauté de dissidents, de parias, de hors-la-loi, de va-nu-pieds et d'absolument tout ce que la cité comptait de truands et de criminels en cavale. En gros, je vivais avec la lie de la société Minarii. Et j'étais en charge de tout ce petit monde.

J'entendis sur ma gauche des bruits de bouche peu discrets et absolument pas naturels.

«—Psst! M'Alice! Ils sont là!
—T'en vois combien?
—Deux fois plus que prévu.
—Ca va l'faire. Silence absolu!»

Je devais me concentrer, maintenant et arrêter de me repasser le film. Ca servait à rien. Et il y avait des trous. J'avais une mission et des gens qui comptaient sur moi. Je fis volte-face : je venais de recevoir un caillou sur l'épaule. C'était cet idiot de Kern qui voulait attirer mon attention. Mais en silence. Il mima un truc. Avec deux doigts qui marchaient sur son bras. Puis il me montra ses mains, un signe au loin avant de me remontrer ses mains.

Mais qu'est ce qu'il me fait, ce con?

J'agrémentai mon haussement d'épaules d'une grimace, lui signifiant clairement que je ne comprenais strictement RIEN à ses gestes. Il finit enfin par abandonner quand les bruits s'approchèrent, troublant le calme furtif de la forêt.

J'étais tendue. Excitée. Comme toujours dans ces moments là. Je ne vivais que pour l'exaltation et le plaisir de me battre. Je décidai d'escalader un arbre pour attaquer du dessus, de loin ma manière favorite. Personne ne s'attendait jamais à ce qu'on lui tombe dessus. C'était devenu mon petit plaisir coupable.

Le cortège ravitaillait l'Académie. Pour cette raison, on visait la bouffe et la paye du personnel. La bagarre, c'était le bonus. Seulement cette fois, il y eut un problème. Un impondérable. Un imprévu. Une complication.

Comme une fille! [achevé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant