45.Namue

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C'était tellement facile de duper les gens. Il suffisait simplement d'attendre le bon moment, de leur dire les bonnes choses. En général ce qu'on veut entendre. C'était tellement simple et évident pour moi que ça n'avait jamais vraiment été un problème.

Comme cette idiot·e de Miss, par exemple. Elle avait beau savoir qui j'étais, ça ne l'avait pas empêché·e de tomber tout droit dans mon piège.

Calixte avait bien failli m'avoir, toutefois. Il avait bien essayé, en tout cas. Lui ne voulait que le pouvoir. Rien n'est plus versatile que la puissance, et j'en savais quelque chose.  Prendre, c'était facile. Garder, en revanche, c'était une autre histoire. Il n'avait pas été assez malin pour ça. Tant pis pour lui.

J'avais appris très tôt que tout est question de motivation dans la vie. D'objectif. Je n'avais jamais perdu de vue le mien : venger la mort de mon frère. Dans ce but, j'avais accepté tous les  sacrifices et ce n'était pas un vain mot. 

Maintenant, c'était la dernière ligne droite. Que ça me plaise ou non, j'allais disparaître. Mais je comptais bien partir en beauté.

Namue, je suis la voix de ta conscience et je t'ordonne d'arrêter!

J'l'avais presque oubliée, celle-là. J'avais encore une colloc' assez encombrante qui avait décidé de se faire de plus en plus remarquer alors que je disparaissais petit à petit.

—Tais-toi, Stella. J'ai une dernière chose à faire. Ensuite, tout sera terminé.
—Tout ce qui est à toi est à moi. Désormais, je sais tout de toi, «Namuellinan». C'est quoi, ce nom?
—C'est Namue tout court!
—Tiens, ton prénom complet veut dire «Princesse guerrière» en
Minarii. Marrant, ça. Tu n'as gardé que la partie qui veut dire «grosse brute épaisse».
—J'ignore pourquoi tu viens me faire chier maintenant.
—Parce que je ne pouvais pas le faire avant. Tu m'as bien trompée, en attendant. Comme à peu près tous ceux que tu as croisés jusqu'ici.
—Je n'ai pas fait de mal à ton frère. Comme je te l'avais promis.
—Tu te fous de ma gueule? T'as essayé de le tuer!
—Si tu lisais si bien que ça en moi, tu saurais que rien n'est plus faux.

J'avais enfin réussi à lui clouer le bec à cette emmerdeuse. Je l'avais un peu baratinée pour prendre le contrôle, c'était vrai. Mais j'avais respecté ma promesse : je ne devais faire aucun mal à Miss. Ou Raphaël.

—Je vois. Tu as fait tout ça pour le pousser à t'emmener avec toi et t'aider à revenir ici. Je reconnais que tu es plus futée que tu en as l'air.
—Sauf que j'ai l'air de toi, gourdasse.

Elle avait toujours tendance à oublier que pour l'instant, j'occupais son propre corps, faible et sans intérêt. Il m'était impossible de la posséder complètement si elle me combattait sans cesse. J'avais donc dû passer un accord. Mais ça m'allait très bien, je n'avais pas besoin de plus.

Le plan était simple. Agresser Miss dans son sommeil, qu'elle se sentît en danger. J'avais bien tenté de la surprendre en début de soirée, mais j'avais dû patienter jusqu'à la nuit profonde. Les intentions étaient cruciales pour activer les Mânes. Ce qui me rappelait de bons vieux souvenirs du dortoir, du temps de l'Académie.

—Tout était de la comédie, alors.
—Miss serait allée seule au devant de la Princesse. Hors de question de louper un truc pareil. Je devais tenter un truc pour retourner dans ma dimension avec elle. Il fallait qu'elle pense que je représentais une menace directe. Que le risque de me laisser derrière soit sérieux.
—Mais tu l'as piégé·e!
—Elle m'a obligée à monter sur une scène. On est quitte. Et sa vie n'est pas en danger.
—Contrairement à la tienne.
—Exactement. Maintenant la ferme, Stella. Je dois me concentrer.
—Pour marcher?

Comme une fille! [achevé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant