58.Faiblesse

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«—Ma dernière erreur? Je te trouve bien sure de toi, Sanae.»

J'avais la situation et le collier en main, alors qu'elle me dévisageait avec une hostilité assez impressionnante. De près, c'était encore plus flagrant : elle ressemblait vraiment à une fleur sur le point de se flétrir. C'était difficile de ne pas avoir pitié de cette fille amaigrie, les yeux cernés en train d'essayer de faire comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Difficile, mais pas impossible. J'avais du mal à oublier qu'elle m'avait humilié et séquestré sous prétexte de m'ôter mes pouvoirs. La meuf, c'était pas non plus un gentil petit lapin sans défense. 

Le large sourire dentifrice qu'elle arborait me confortait dans cette analyse. Cette Princesse avait plus d'un tour dans son sac à mains.

«—Mais je t'en prie, Raph, tu veux reprendre les Mânes, fais toi plaisir! Tu sais très bien ce qui t'attends si tu les récupères. Tu tiens tant que ça à devenir ma boniche?
—Je crois qu'il y a une solution plus simple à ce problème : tu devrais embaucher.»

Tim s'interposa entre nous deux, protestant vigoureusement.

«—Arrête les enfantillages, Raph, d'accord? Je suis content que tu ailles bien, mais tu dois rentrer chez toi maintenant!»

La Princesse fronça les sourcils.

«—D'ailleurs comment tu expliques ça? Comment se fait-il qu'il soit devant moi, libre de venir me narguer, Temuji? N'as-tu donc rien à me dire?
—Eh bien je ne sais pas, vu qu'il est humain, on peut supposer qu–
—Teuteuteu, mon œil! Tu t'es foutu de moi.
—Tu sais, Princesse, si ça peut te rassurer, il m'a fait pire. Et sur un tableau des scores, je dirais que je mène encore largement la partie.»

Poussant un cri de rage, elle balança une décharge d'énergie sur le nounours qui le projeta quelque mètres plus loin, comme une miette de pain d'un coup de doigt rageur.

«—Tu es viré, Temuji. Maintenant, à nous deux, Raph.»

Bien qu'affaiblie par son hibernation forcée, elle n'était pas sans ressources. Le souci, c'est que personne n'avait pris la peine de me prévenir.

«—Qu'est-ce-que tu comptes faire, Princesse?
—Je ne vois pas pourquoi je te le dirai. En revanche, toi, tu vas me dire ou se trouve cette fille qui était avec toi. Je te le demanderai gentiment une seule fois.»

Très bonne question, en vérité.

«—Ca dépend de quelle fille tu parles.
—Mauvaise réponse.»

Elle m'agrippa le cou de sa main droite avec une poigne impressionnante en plaçant sa main gauche contre mon thorax. Elle se mit à serrer de plus en plus fort, ses ongles me rentraient dans la chair.

«—Nggble...raaa...kkk...
—C'est pas une réponse. Ou est elle?»

Difficile de parler en apnée. Mais pas autant que de vivre. Mes deux mains sur la sienne, j'essayais de le lui faire comprendre. Je risquais de perdre connaissance à tout moment. Et pourtant, j'avais bien suivi les consignes : ne pas l'énerver. Je commençais à comprendre pourquoi. Cette fille était un subtil croisement entre la bombe à retardement et la mine anti personnel.

«—Je vais te laisser reprendre ton souffle, alors choisis bien comment tu l'utilises.
—Namue...N'existe...Plus... »

Ma voix sonnait bizarrement pathétique et donc appropriée pour la circonstance. Les griffures dans le cou me faisait un mal de chien et elle ne m'avait pas lâché. Sa paume toujours contre mon thorax, j'avais l'impression qu'elle allait me faire exploser comme un pétard dans une boite aux lettres.

Comme une fille! [achevé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant