51.Retrouvailles

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La Lune nocturne avait disparu dans le clair-obscur de ce matin bleu d'une paisible fraîcheur. La brume enveloppait les toits de ses écharpes translucides, l'enroulant dans ses replis froids et mouillés. La journée commençait doucement et s'annonçait tranquille. Avec un peu de chance, en refermant les yeux, je pourrais tenter de grapiller un peu de sommeil. Il était encore tôt, après tout.

«—Robin! Grouille-toi!»

Bon, pas tant que ça, finalement. Dans tout les cas, c'était pas ce qu'on pourrait appeler un bon début. J'ouvris un œil. Il faisait noir. J'ouvris le second. Toujours aussi sombre. Rien de nouveau sous le soleil du royaume Minarii. Ce qui ne risquait pas d'arriver : le soleil n'existait pas, ici.

Je ne m'y étais jamais habitué. Ce n'était pas faute d'avoir essayé. L'éclat des étoiles scintillantes ne représentaient qu'un pâle substitut. Ce manque impactait très sérieusement mon moral et mon humeur.

«—Qu'est-ce-que tu fous, bordel? Les pieds de table vont pas s'astiquer tout seuls!»

Peut être que si on le leur demandait gentiment...

Cuddy aussi impactait mon moral. Pas volontairement, certes, mais tout de même. J'étais bien réveillé maintenant, alors autant me lever. 

Enroulé dans mon drap (cette étoffe minarii était incroyable), je me dirigeai vers mes vêtements propres, repassés et pliés soigneusement posés sur l'unique tabouret de la pièce. Cuddy était un amour. Je devais toutefois laver moi-même mes sous-vêtements : son côté tatillon connaissait certaines limites.

De manière générale, il respectait mon intimité. Ce qui était une excellente chose pour nous deux. Il n'aurait pas apprécié du tout de découvrir mon petit trésor. Moi non plus, d'ailleurs. C'était très bête de ma part mais c'était la seule chose qui avait réussi à me remonter le moral après tous ces mois passés ici.

J'étais pas si mal ici. Cuddy était un gros ours ronchon et rustre adouci au miel et le travail n'était pas si terrible. En plus, ça m'empêchait de trop penser et m'apitoyer sur mon sort. J'aurais très bien pu mal finir. Pourtant, j'étais toujours là, en pleine forme, plus déterminé que jamais à accomplir la mission que je m'étais fixé. Et il ne s'agissait pas de tâches ménagères.

Cependant, ma vie d'avant me manquait horriblement. Quand j'y repensais, j'avais l'impression qu'il s'agissait d'une autre vie. Ce qui avait du sens, vu que j'étais devenu quelqu'un d'autre.

Les pieds nus sur le carrelage froid, toujours emmailloté dans mon drap qui traînait par terre, je me dirigeai d'un pas nuptial vers le mur de ma chambre, celui en brique apparente. J'ignorais si c'était le nord, le sud, l'est ou l'ouest. J'étais totalement perdu de toute façon. L'avantage, c'est qu'il suffisait de quelques enjambées pour traverser la pièce minuscule. Au moins, la vue était jolie.

Du geste précis et mécanique de l'habitude, je délogeai la brique qui dissimulait ma boîte à secrets. La voir me suffisait à me donner de la force pour la journée. L'ouvrir, en revanche... C'était ça, ma morning routine : regarder un boîte planquée dans un mur, un drap dans une main, une brique dans l'autre. Chacun son truc. 

Des coups répétés, martelés, tambourinés firent trembler la porte dans ses gonds.

«—TE RENDORS PAS!»

Il était derrière la porte et je savais qu'il ne rentrerait pas de force. Je me rapprochai de la porte pour lui répondre au travers sans avoir à crier.

Comme une fille! [achevé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant