34. Chance

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J'avais décidé de me rendre là-bas à pieds, en prenant mon temps. Et aussi histoire de me mettre un peu dans la peau du personnage. Je répétais en boucle dans ma tête la marche à suivre en essayant de me convaincre que c'était la meilleure chose à faire, mais une petite voix se faisait entendre, objectant sans cesse.

«—Pitié, Tim, tais-toi. Je t'ai pas supplié de venir, il me semble, alors arrête de me déconcentrer, j'arrive pas à me mettre dedans.
—Oh, je ne suis pas de cet avis : tu es bien dedans jusqu'au cou. Il n'est pas trop tard pour changer d'avis!»

Je me contentai de l'ignorer. J'avais préféré l'emmener, dans le doute, mais je commençais à vraiment le regretter. Maintenant qu'on était arrivés devant l'entrée, c'était déjà beaucoup plus difficile de faire demi-tour.

«—Regarde, l'entrée est gratuite, vu que c'est le dernier jour. 

—Et ça va être plein de monde! Tu n'as même pas peur?
—Peur de quoi, au juste? J'ai pas honte de ce que je suis.
—Non, mais je veux dire y aura plein de tes camarades de classe. Quand on te verra engager la conversion avec Camille, ils vont tous se demander qui tu es.»

Sur le principe, il n'avait pas tort. Mais ça ne changeait pas grand chose au fait que je m'en fichais éperdument. J'étais venu·e accomplir quelque chose d'important, et je comptais bien m'y tenir. Je devais dans un premier temps repérer Camille ou sa bande de copines. Mais ça s'avérait plus difficile que prévu.

Les parfums de chouchous et de bonbons m'agressèrent les sinus, les effluves de sucre caramélisé m'étourdirent, les fragrances écœurantes de gaufres et de beignets m'oppressèrent alors que les musiques aigrelettes et les clameurs me vomissaient dans les oreilles. Sans parler des remugles de sueurs et des relents alcoolisés de la buvette, le tout servi avec le doux fumet des incontournables saucisses-frites.

La tête me tournait et je me sentais mal. Réprimant la nausée que menaçait de me submerger, je partis en exploration.

Comme l'avait prédit Tim, l'endroit était blindé de monde. La plupart des attractions étaient aussi bien encombrées et le beau temps n'arrangeait rien. Une fois à l'intérieur, je savais aussi que j'étais seul·e –plus que d'habitude– ne pouvant parler avec le nounours. Il y avait une grande roue, un ascenseur de la mort, quelques manèges et des stands divers. Pas mal de garçons étaient là, justement. Je touchais au but. Je sentais aussi quelques regards se poser sur moi, des têtes qui se retournaient sur mon passage. J'aurais peut être dû me sentir flatté·e mais il n'en était rien. Mon angoisse monta d'un cran. Certains mecs me lançaient des sourires non sans m'avoir au préalable détaillé·e de la tête au pieds. Je me suis alors contenté·e de baisser la tête. Tant qu'on m'accostait pas, tout se passerait bien.

«—Salut, toi! J't'ai jamais vu, t'es pas du coin?»

On pouvait toujours compter sur Enzo pour briser la glace. Mais pour ce qui était d'en ramasser les morceaux, ça, c'était une tout autre histoire. Mais puisqu'il était là, autant s'en servir.

«—Oh, bonjour... Je suis à la recherche de ma copine Camille, qui devrait se trouver par ici... Tu l'as vue?
—Comment tu sais que je la connais?
—Coup de chance.

J'arrondis ma réplique d'un sourire, histoire de pas avoir encore plus bizarre. Mais c'était une mauvaise idée, il le prit comme un encouragement.

«—Je veux bien te le dire, à condition que tu me dises comment tu t'appelles.»

Mais pourquoi il m'emmerdait comme ça, lui? C'était compliqué de répondre à une question sans exiger un truc en retour? Heureusement pour moi, j'aperçus enfin Camille, devant le marchand de glace. Et Charlotte était là comme prévu. Le soulagement fut intense.

Comme une fille! [achevé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant