28. Désillusion

49 6 22
                                    

«–Comment ça, "elle n'existe pas"? C'est des conneries, je l'ai vue et je lui ai même parlée! Bon c'était pendant que je dormais, mais c'était pas un rêve, je le sais!»

Ma remarque capta aussitôt l'attention de Namue. Et celle de Tim, qui réagit immédiatement.

«—Mais pourquoi donc ne m'en as-tu pas parlé?
—Je voyais pas trop l'intérêt de te raconter ça, surtout que c'est gênant. Et puis merde à la fin, tu passes ton temps à me mentir et à me cacher des trucs. Viens pas me faire la leçon.»

J'étais à peu près sur·e qu'il m'aurait menti·e de toute façon. Namue semblait savourer l'instant.

«—Voilà qui est intéressant. A quoi ressemblait-elle, celle que tu as vu "en rêve", comme tu dis?»

Elle tapota son long index griffu sur sa joue, son autre bras replié contre elle.

«—Arrête ça, s'te plait. T'es en train de raconter de la merde. Si Miss n'existe pas, alors moi, je suis qui? L'Homme Masqué? Tu m'as bien regardé·e? 
—Tu devrais savoir aussi bien que moi qu'on peut vite être pris dans des choses qui nous dépassent, qu'on ne comprends pas et qui nous blessent. Pas vrai?
—Arrête ça et viens en au fait. Si tu es venue te battre, qu'on en finisse!»

J'avais horreur des gens qui parlaient par énigme. A faire trop de mystère, on avait vite fait se perdre dans les doubles sens.

«—Pour qui tu te prends? Tu n'es personne. Miss, c'est un titre, une fonction. Les Mânes adoptent un porteur et font de cette personne une guerrière de l'Egide. Tu ne deviens pas quelqu'un d'autre tu es juste une version féminine de toi. Un peu améliorée, je te l'accorde, mais en définitive, tu ne deviens pas quelqu'un d'autre.»

Merde.

Sans pouvoir l'expliquer, je sentais qu'elle avait raison. Ca expliquait trop de choses. Cependant, quelque part, au fond de moi, je ne voulais pas le croire. C'était tellement plus facile et confortable de penser que je devenais quelqu'un d'autre dans un corps qui n'était pas le mien. Ca rendait cet état de fait un peu plus acceptable. Désormais, je ne pouvais plus nier l'évidence. C'était le moi garçon qui allait disparaitre et ça, j'étais pas prêt à l'accepter. Tim ne m'avait pas seulement menti·e : il m'avait carrément trahi·e pour que se servir de moi.

«—J'aurais fini par tout te dire, je t'assure, mais tu n'étais pas prêt·e à l'entendre. Ne tombe pas dans son piège, elle veut te tourner contre moi!
—Peuh! C'est toujours de toi dont il s'agit. Tu en as sacrifié combien d'autres comme moi, Tim?
—S'il te plait, sois raisonnable. J'ai menti pour protéger ton psychisme. Je ne savais pas comment tu allais réagir si tu avais su que tu n'étais qu'une version femelle de toi.
—Ah ouais?»

Il ne comprenait décidément rien à rien. Il avait même osé minimiser les choses en prétendant que ce n'était pas si grave. Alors qu'on modifiait qui j'étais sans me le dire ni même me demander. Et moi qui pensait que je ne pouvais pas tomber plus bas.

«—C'est quoi la suite, Namue? Tu comptes me demander si je veux rejoindre vos rangs à Callixte et toi, je suppose?
—Pas du tout. Je suis venue ici dans un but bien précis, et je n'ai pas prévu du tout de t'épargner. Bien au contraire, j'attends ce combat depuis un moment, déjà. 
—Parfait, j'ai justement une grosse envie de me défouler, là.»

Impossible de ne pas décocher un regard assassin à Tim, ce vil fourbe. On aurait deux ou trois choses à se dire quand tout serait fini. A condition toutefois de gagner ce combat.
Mais Namue agitait son long doigt en signe de refus.

Comme une fille! [achevé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant