10.Conséquences

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Les choses se passèrent très vite ensuite.

Comme l'avait prédit Tim, la stase finit par s'interrompre. Le monde reprit vie, avec des couleurs et des sons peu après que je fus redevenu péniblement et douloureusement moi-même. Enfin, pour être précis, la douleur était surtout dûe au pain que je m'étais pris dans le bide. Je pouvais m'estimer heureux de m'en sortir avec une ecchymose plutôt qu'une rate éclatée et une hémorragie interne.

Miss semblait capable d'encaisser des coups en plus d'être capable de les rendre.

Le temps avait à peine repris son cours qu'il se figea à nouveau. Mais cette fois, c'était logique (et surtout plus normal) puisqu'une élève était au sol sans raison apparente. Une fois l'instant de surprise passée, plusieurs personnes se précipitèrent. Un surveillant, des élèves, et encore un surveillant. Les questions fusaient de partout, personne ne parvenait à rassembler les pièces du puzzle. De plus en plus de regards accusateurs commençaient à pointer Max et moi du doigt métaphorique de la délation. Il y avait intérêt à trouver des explications à fournir.

— Elle s'est effondrée, comme ça. Hypoglycémie? Déshydratation?

C'étaient les excuses habituelles préformatées pour le cours de sport, mais ça valait le coup de tenter.

— M'enfin, il est pas net ce mec, ça se voit tout de suite sur sa tronche qu'il dit de la merde!

Toutefois, c'était sans compter sur l'intervention aussi malvenue que très inspirée d'Emma, ma Némésis. Elle faisait de nouveau montre à mon égard d'une certaine perspicacité pour le moins inopportune. Le brouhaha ambiant s'intensifia en réaction à ces allégations.

Mélanie, la surveillante la plus terrifiante de l'équipe éducative, fit taire tout le monde d'un geste. C'était à croire qu'elle avait l'habitude de gérer ce genre de situation. Elle avait probablement suivi une formation anti-émeutes ou être vigile.

— Merci Emma mais on se passera de tes commentaires.

Elle me dévisagea des ses yeux glacés.

— Hypoglycémie alors qu'elle sort de table?

Le ton lui aussi était réfrigérant, la question mordante. D'ailleurs, la température chuta de 10°C d'un coup. Ca ou les sueurs froides. Je me sentais subitement très gêné·e. Comme si j'étais toujours dans le corps de Miss.

Merde!

Je devais vérifier sans me regarder ni me palper de manière trop voyante. C'était dur quand tous les regards –ou presque– étaient braqués sur vous. Je fis donc semblant de me gratter nerveusement l'épaule. Mon coude m'apprit que je n'avais a priori plus de poitrine, donc tout était bon de ce côté là, au moins. Pour le reste, c'était une tout autre paire de manches.

Ma nervosité fut très mal interprétée, je m'en aperçus un peu tard. Le silence planait. Les gens nous regardaient. Mélanie. Camille. Moi. Les chuchotements commencèrent. Et enflèrent.

— En vrai, elle n'a pas mangé grand-chose et n'a rien bu ce midi. Je lui ai fait la remarque.

C'était Charlotte. Elle trainait souvent avec Camille, ce qui la protégeait de pas mal de nuisances. Certains trouvaient très drôle de l'appeler "Charlie" à cause de son attitude. Certaines l'appelaient "Charlie", mais à cause de son look. Moi, j'l'aimais bien parce qu'elle ne ressemblait à rien. Enfin, je voulais dire à personne. Bon, elle faisait tâche. Merde, quoi, elle était unique, tout simplement.

Comme une fille! [achevé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant