33. Préparatifs

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J'avais tout planifié, tout prévu. Enfin, presque. Il me restait un dernier détail à régler.

Ce samedi matin, ma mère étant partie bosser, je devais trouver un moyen d'éloigner Stella. Il fallait avouer que ce détail n'était pas négligeable. D'habitude, elle faisait la grasse mat' le samedi avant de sortir en début d'après midi avec ses potes. Sauf que je comptais me préparer le matin et je ne savais pas combien de temps ça me prendrait. Moi et ma manie des marges de sécurité.
Et quant à se faire surprendre, valait mieux pas y penser. On ne recevait d'ordinaire pas beaucoup, voire pas du tout, alors une parfaite inconnue en pleine séance d'habillage aurait eu bien du mal à expliquer sa présence. 

«—Tim? Une idée pour éloigner ma frangine?
—Débrouilles-toi tout seul. J'veux pas être complice de ça.
—Merci, Tim. Ton soutien est un réconfort et un soulagement constant dans ma vie au quotidien.»

Il était très ronchon, ce matin, ce qui était tout de même le comble. S'il y avait bien une personne ici qui avait le droit d'être de mauvaise humeur et de se plaindre, c'était moi. Et l'autre se permettait encore de me faire la morale.

Eh ben va te faire foutre, alors.

Je descendis à la cuisine en réfléchissant à la meilleure stratégie, mais je n'en voyais pas. J'allais devoir faire preuve de patience, laisser le stress bien monter, m'empoisonner la matinée, me jeter dans les affres du doutes et dans la tourmente de l'incertitude pour finalement me transformer en écureuil shooté à la caféine. Tout un programme.

Je ruminais mes sombres machinations (et un morceau de pain) en tentant d'ourdir un habile stratagème, de fomenter un vil complot me permettant d'éloigner ma sœur assez longtemps.

Soudain, elle fit irruption comme une tornade dans la cuisine, la mine défaite, d'une humeur visiblement massacrante.

«—Keskia?
—Je cherche mes baskets. Où sont-elle?»

J'avais laissé tombé ma tartine, qui était tombée côté beurre, bien entendu. Le ton brusque, l'attitude énergique, ses yeux sombres aux reflets mordorés sur moi, j'étais en train de me demander ce qu'elle fichait un samedi matin dans la cuisine, en leggings de sport et en chaussettes à chercher des baskets qu'elle ne mettait jamais.

«—Tu crois pas que tu devrais te reposer? Je te croyais malade.»

Malgré une certaine énergie et la nuit de sommeil, elle avait les traits tirés.

«—Je vais très bien. Juste mal dormi, c'est tout. 
—Des cauchemars?
—Oui c'était horrible, y avait quelqu'un qui me posait un tas de questions super chiantes auxquelles je n'avais aucune envie de répondre.
—Si maman demande, je lui réponds ça?
—Bon, ok, t'as gagné : je vais faire du jogging, histoire de me fatiguer un peu et de faire de l'exercice.
—Tu fais jamais ça, d'habitude.
—Non, c'est vrai. D'habitude, je préfère taper sur quelqu'un et devine qui sera l'heureux élu?»

Elle était vraiment d'une humeur de chien. Même ainsi, je ne pouvais faire comme si rien ne s'était passé.

«—Fais comme tu le sens, mais fais attention, d'accord? T'étais vraiment pas bien hier.»

Elle s'autorisa un sourire aimable.

«—Désolée de t'avoir inquiété. J'ai juste envie de me reprendre en main, faire un peu plus attention à moi. Je te conseille de faire de même.»

Toujours souriante, elle m'adressa un drôle de clin d'œil, avant de remuer le tas de chaussures pour mettre la main sur celles de sport quasi neuves, ensevelies.

C'était le moment où jamais d'entrer en action.

«—Tu rentres quand?
—Je sais pas. J'ai envie de me défouler, j'ai la rage ce matin. Je serais là pour manger. Et puisqu'on en parle...»

Comme une fille! [achevé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant