Chapitre 5

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Terlyorg

Même si cela faisait deux ans que Eliot semblait au bord de la crise cardiaque, il avait l'impression d'avoir remonté le temps. Comme à l'époque où Milan lui avait été arrachée une première fois après l'attaque de la gare de Genève.

Il avait tout essayé pour se changer les idées et enfin accepter l'idée que jamais il ne reverrait l'amour de sa vie. Le Lion s'était jeté dans de l'eau glaciale tous les matins pendant plusieurs mois. Il avait plusieurs fois couru jusqu'à ne plus avoir de forces en traversant tout le royaume des elfes. Il s'était réuni avec Thalion, Eucate et Asdin... il a ri avec eux. Il avait même lu.

Rien n'y fait.

Tout, absolument tout ce qu'il entreprenait le ramenait à la pensée de Milan. Cela en devenait une obsession.

C'est pourquoi, maintenant il allait la retrouver.

Après avoir avalé une pomme et deux autres fruits elfiques, Eliot prend une grande inspiration. Il revêt sa veste en cuir qui pendait mollement sur son porte manteau.

Le métamorphe quitte son chalet en lui lançant un dernier regard.

Si Asdin avait raison, s' il trouvait vraiment une pierre de téléportation dans l'ancienne chambre de Milan, alors plus jamais il ne remettrait les pieds ici.

Une certaine nostalgie lui serre le cœur au moment où il tourne le dos à sa maison. Il l'avait construite de ses mains en un temps record- aussi pour se changer les idées.

Ce sentiment semble le conforter dans sa résolution : il allait trouver Milan.

Sur le chemin en terre qui mène au Jardin des Glaces, Eliot mute et court du plus vite qu'il peut jusqu'au palais de Thalion.

***

Neyralend

Une fois sortie de son brouillard mental, Milan ne parvenait pas à dormir. Elle fixait le plafond tout en se mordant la joue pour se retenir de hurler avec frustration.

La nuit est tombée depuis longtemps maintenant. Et cela faisait des heures que sa joue subissait sa colère. Elle avait horreur de cette position de faiblesse. Pourquoi les elfes et surtout leurs chefs étaient si prétentieux et imbus d'eux-mêmes ?

Knut semblait beaucoup plus difficile à supporter de part son grand âge; contrairement à Thalion.

Ses doutes étaient réels et n'avaient rien à voir avec Eliot et...

Une larme coule de son œil droit. Puis du gauche. Sa vision se floute.

- C'est pas vrai, grogne-t-elle en se redressant subitement sur son matelas.

Elle ne voulait pas pleurer sur son passé. Ni même y penser.

Eliot constitue en grande majorité ce passé qu'elle souhaite oublier pour vivre en paix.

Se mettant à sangloter sans pouvoir se retenir, Milan plonge son visage dans ses mains. Elle n'avait pas le droit d'être malheureuse. Pas après ce que la Divinité lui avait offert ; une nouvelle vie.

Et puis, comment pouvait-elle être si égoïste ? Le monde est toujours en danger et elle ne trouvait rien de mieux à perdre que de pleurer sur son sort.

Elle avait trouvé des amis et retrouvé son père.

Elle n'a plus autant de responsabilités.

Elle a tout pour être heureuse.

Et pourtant ...? Est-ce que ce n'est pas ce qu'elle cherche ? Être responsable comme avant ? Se sentir forte ?

Milan se mit à regarder ses mains. Elle détestait broyer du noir comme ça.

Toute sa magie a disparu. A part quelques uns de ses sens qui étaient toujours très développés, Milan était devenue une humaine normale, dotée du pouvoir de l'exorcisme. Et aussi du pouvoir de détecter les changements de fréquence magnétique. Une machine enchantée par un elfe aurait presque pu la remplacer.

Ce cercle vicieux de mauvaises pensées commençaient à l'entraîner dans les abîmes de la dépression, et Milan n'arrivait plus à lutter pour s'en sortir. Soudain une sorte d'intuition prit le relais, et quelque chose au fond d'elle se mit à résonner : "Prie."

En prenant une grande inspiration, Milan se lève et titube jusqu'à la fenêtre. Elle cherche les rideaux de velours à tâtons et finit par les ouvrir. La douce lumière du clair de lune emplit la pièce.

La jeune fille ouvrit sa baie vitrée et sortit à l'extérieur. Son petit balcon donnait vue sur des arbres et le ciel. Milan regarde les étoiles alors que ses larmes continuaient de dévaler ses joues.

- Chère Divinité, commence-t-elle.

Elle se mit à ricaner en reniflant.

- C'est complètement bête... Enfin bref. Chère Divinité, je vous remercie pour...

Elle fut interrompue par une autre de ses intuitions qui lui proviennent directement de son cœur. " Va droit au but. "

Milan déglutit et décide d'écouter cette voix intérieure. Elle se râcle la gorge.

- Bien. Je me sens vraiment triste et démunie. Je perds énormément de crédibilité auprès de Knut à cause du fait que j'aime toujours Eliot... et que je ne parviens pas à l'oublier. Mes réactions excessives à ces injustices me mettent en colère...contre moi, contre lui, contre tout et ce n'est pas juste.

Elle renifle encore et s'essuie le nez avec la manche de sa chemise de nuit. Elle contemple à nouveau les étoiles et poursuit sa prière.

- Je vous en supplie aidez-moi...

Sa voix se brise pendant que son intuition la guide encore. " Demande clairement ce que tu veux."

- Je ne sais même pas ce que je veux, se plaint Milan en passant ses mains dans ses cheveux emmêlés.

Mais soudain lui apparaît alors une image claire dans son esprit. Cette image lui fit battre son coeur plus fort. Le problème, ce n'était pas son absence de magie, ses humiliations et son incapacité à faire quoique ce soit. Non. Ce qu'elle voulait n'était pas le pouvoir, la richesse ou la prestance.

Elle ne voulait qu'une chose.

- Si cela semble juste pour toi, reprend Milan en laissant doucement tomber ses bras le long de son corps, je te demande de me ramener Eliot. Pour me rassurer, pour avoir plus de crédibilité... j'ai besoin de lui. Je l'aime et ne pas l'avoir à mes côtés alors que je suis en vie... ( Milan s'interrompt pour prendre une grande inspiration. ) Envoie-moi un signe, très sainte Divinité. Si Eliot m'est rendu dans un futur proche, c'est que je dois le revoir. Si pas, alors j'accepte ton dessein à mon égard et je me plierai à ta volonté.

Après avoir prononcé ces mots, Milan cesse de pleurer et un immense soulagement l'enveloppa. Elle se mit à tomber de fatigue, ses genoux ne pouvant plus la soutenir et se sentant libérée par le poids de ses pensées oppressantes.

Elle ne savait pas que Eliot, dans une autre dimension, avait prononcé une prière similaire en se rendant au Jardin des Glaces dans le but de la retrouver.

Elle ignorait aussi que leurs deux prières allaient avoir une réponse dans un futur...très proche.

Un dernier paradis- Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant