Un dernier paradis- Tome 3

Chapitre 25

Juan tenait d'une main ferme les accoudoirs de son fauteuil de cuir. Ce ne pouvait pas être vrai.
Les rebelles ne pouvaient pas avoir réussi à tuer quelque chose qui n'existe pas. Quelque chose qui n'a pas le souffle de la vie en elle. Force était de constater que le meilleur des sorciers avait beau créer tout les monstres qu'il voulait, jamais ceux-ci ne pourraient réellement jouir de la vie. Ils étaient juste des pâles copies d'un monstre.

Justement, la chimère qu'avait mis au point Abel avec sa fille comme partenaire, à savoir Lelia, était censée être immortelle, bête et disciplinée, invincible.

Pendant que la bête pouvait se régénérer de ses blessures, elle effrayait et tétanisait ses proies. Sa capacité de régénération était dû à l'enchantement d'Abel, et à nouveau, rien n'était vivant dans cette créature. C'est pourquoi tout semblait, à première vue, cousu de fil blanc.

Sauf que, non, il devait y avoir une exception à cette règle.

Juan n'aimait pas les exceptions. Il les haïssait du plus profond de son être.

Un silence de mort planait alors que la tête de la chimère, désolidarisée de son corps, roulait sur le sable.

Tous les regards étaient fixés sur la jeune fille essoufflée qui s'était vue améliorée par une force insoupçonnable. Milan Dekiev, la fille de la Chasseresse, connue même par les Enchanteurs bannis de Terlyorg.

Alors qu'elle semblait complètement banale et sans capacités contrairement à Eliot au début du combat, quelque chose avait surgit de son corps dès qu'elle a porté le coup fatal à la créature.

Un cri semblable à celui d'un aigle avait quitté ses lèvres, des ailes bleues lui sont apparues dans le dos. Au dessus de sa tête une lumière en forme de phénix avait rayonné.

Cependant, maintenant tout était reparti. Elle n'était plus que la jeune fille pâle et normale qui a eu l'audace de provoquer des sorciers.
Et cette jeune fille se tenait sur le cadavre d'un monstre qu'elle avait réussi à pousser à bout avec son compagnon. A tuer même si il n'existait pas.

Une boule amer s'était formée dans la gorge de Juan. Au plus il voulait réfléchir, au moins tout cela faisait sens.

- Elle a détruit la bête, commente platement Lelia.

Lorsque le prince espagnol se tourne vers sa fiancée et qu'il perçu une pointe d'admiration dans son regard éteint, cela le mit encore plus en rogne.

Que penserait le peuple, qu'il s'était mis tant de mal à dompter, si des premiers venus avaient la capacité de détruire des chimères à tour de bras ?
Pire encore, sa fiancée elle-même semblait en proie à l'admiration.

- Il faut faire quelques chose, grogne Juan.

Il eut le réflexe de se tourner vers Abel qui regardait fixement la tête de sa chimère au milieu de l'arène. Ses phalanges blanchissaient au fur et à mesure que le temps passsait.

Il aurait pu briser le trône de Juan d'une pichenette si il le souhaitait.

- Comment a-t-elle réussi à faire ça...? gronde Abel.

- Elle a dû sentir que ce que tu as créé ne respirait pas la vie...

- Justement ! aboye Abel en coupant la parole à sa fille. Même si elle est soi-disant connectée à l'interdimension, elle n'est pas censée l'avoir vue ni même sentie.

Lelia hausse vulgairement des épaules.

- Elle est juste intelligente, c'est tout.

Abel et Juan furent deux à vouloir lui fermer le clapet, mais c'est quand Lelia se leva pour applaudir le couple vainqueur dans l'arène que leurs pulsions meurtrières faillirent franchir leur limite.