Le train de la vie

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Sourire... Prendre le train...
L'aube des premiers matins.
Mes agapes à son sein.
Etancher soif et faim.
Tendre à la vie la main.
Pas vraiment dans l' satin
mais toujours avec soin,
aimé de tous les miens.

Verseau de Février.
L'odeur des cheminées
sur les toits enneigés.
Chez nous du pain grillé,
le chat dans son panier.
Le carrelage à damiers
m'attendant pour jouer
à quatr'pattes, mon bébé.

Grandir... Prendre le train...
L'école au bout du ch'min.
L'heure des premierts bons points,
de l'encre sur toutes les mains.
Mon quatre heures dans un coin
partagé en copain.
Être cow-boy ou indien,
déjà faire son malin.

Se faire plumer aux billes.
Se moquer des fifilles,
les quilles à la vanille
nous rendant nos bisbilles.
Les cigarettes qu'on grille
derrière les hauites grilles.
Ecouler des jonquilles
en échange d'une broutille.

Grandir... Prendre le train...
Raturer le bulletin
des trimestres prenant fin.
Dire non soir et matin.
De tout être certain.
Moucher tout son trop plein.
Rimailler des quatrains
d'amours et de chagrins.

Vouloir refaire le monde.
Se battre pour quelques blondes
plus belle que la Joconde.
Rêver de mers profondes.
Ques les esprits vagabondent
au-delà des rotondes.
Que la vie soit féconde
de seconde en seconde.

Mûrir... Prendre le train...
Il faut gagner son pain,
oublier les bulletins
pour une paie de larbin.
Se décrocher des siens.
Se loger dans des riens
et sourire à demain,
même si on crève de faim.

La tournée des bistros.
Enchainer sur l'boulot
et refaire les bistros.
Echanger nos bureaux.
Toujours rêver d'bateaux
quand on touchera l'loto.
Plus fièrots que poivrots
et trinquer aux châteaux.

Mûrir... Prendre le train...
C'est elle ou les copains
mais c'est vrai qu'on est bien,
Toujours main dans la main.
Se laisser mettre le grappin.
Peut-être prendre un chien,
une maison, un jardin.
On n'est plus des gamins.

Son ventre qui s'arrondit,
la table qui s'agrandit.
Si ce n'est plus Tahiti,
c'est un autre paradis.
Puis arrive qu'on s'oublie,
s'installent quelques non-dits,
des habitudes ici
et c'est la vie qui fuit.

Fléchir... Prendre le train...
C'est toujours l'même refrain.
Les gosses font notre train-train,
n'avons plus rien de commun.
Notre amour a déteint
comme un nuage au loin.
Une pluie battant ses grains
sur nos coeurs en chagrin.

Une maîtresse, un amant
pour tromper le tourment.
Qui d'entre elle ou moi ment,
mais ce n'est plus le moment.
On s'arrache les enfants,
les cuillers en argent.
Encore quelques élans
en attendant l'jugement.

Fléchir... Prendre le train...
Revoir tous les copains.
Se remettre dans le bain
tout en rongeant son frein.
Tanguer de vin en vin
en les traîtant de catins.
- J'n'ai pas fait plus que rien
et me voilà vaurien.

Se croire comme à vingt-ans
aussi beau que vaillant,
mais n'être qu'un vieux volcan,
plus étang qu'océan.
Avoir encor le cran
d'rechercher à tous vents,
cet amour comme un chant
pour un dernier serment.

Vieillir... Prendre le train...
Ce train qui est le mien.
Des pages sur un lutrin
s'effeuillant au déclin
vers ce qui est serein.
L'opale en don divin
sertit sur des joncs teints
pour unir nos destins.

Balayer les rancoeurs.
Faire place nette dans son coeur
pour cet ultime bonheur.
Le seul de grande valeur
qui lui n'est pas un leurre.
Réparer ses erreurs.
S'affranchir des pudeurs
pour offrir le meilleur.

Bientôt... Le dernier train...
L'aller simple du chagrin.
Lâcher ta tendre main
sur un dernier baisemain.
Une chandelle qui s'éteint.
Crépuscule sur la fin
et c'est la vie soudain
qui fait qu'nous n'sommes plus rien.

Des petits riens pour un toutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant