Le jour des morts

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Pas plus que quelques pas...
Les derniers du convoi,
peut-être sous les frimas
d'un hiver un peu froid
et la pointe de nos doigts
en ultime signe de croix,
quelques soit notre foi
qui salue l'hôte bien bas.

Le lourd chagrin de certains
s'entend sur le chemin.
Celui des vrais copains
qui jusqu'à ce matin
vous suivent de près, de loin,
le coeur empli de parpaings,
les ongles marquant les poingts
pour partager la fin.

D'autres un peu plus en joie
et un peu moins d' bonne foi,
contents d' vous savoir froid,
pour une fois se veulent là ;
Etre témoins du trépas.
Surtout n' pas rater ça.
Offrir quelques Dahlias,
s'assurer d' l' au-delà.

Et crissent les grains d' gravier
foulés dans les allées
qu' le cuir neuf des souliers
s'amuse à humilier
pour taire l'envie d' pleurer.
Cacher ses yeux mouillés
qu'on peine à détourner
du cercueil de l'aimé.

Bons et mauvais s'assemblent.
Un faux-semblant d'ensemble
que la déstinée rassemble.
Faire que plus rien n'étrangle
et oublier ce qui flambe.
Que les requiems tremblent,
que les prières s'entendent
dans la poussière des cendres

et que commence le deuil.
S'montrer fort par orgueil
mais pleurer sur l'écueil
qu'est d'venu son fauteuil.
Le silence pour accueil
quand on franchi le seuil.
Plus personne qui n' recueille
le chagrin qui vous cueille,

mais s' forcer à survivre
même si l'effort de vivre
vous fait l'effet du givre.
Les souv'nirs qui enivrent
et ne font qu' vous poursuivre
comme le flot d'une eau vive
qu'un petit rien ravive,
mais jamais ne délivre.

Une photo, une odeur.
Ses affaires sans chaleur
gardées comme du malheur,
accentuant la douleur
de c'qui vous brise le coeur.
S'endormir dans les pleurs
et en rêver sans peur.
En faire sa seule faveur,

c'est ne plus rien attendre,
n'avoir rien à défendre,
laisser l' temps se suspendre
jusqu'à ce qu'on vienne vous prendre.
Il n' y aura pas d'esclandre,
pas d' sursaut à prétendre
parce que sans amour tendre,
la vie est à reprendre.

Ainsi s'en vont les jours
sans plus aucun détour.
Un acte de bravour
que d' rallonger l' séjour
à compter seul les jours,
à refaire les contours
et penser à rebours
c'qu'on a crû être toujours.

Ainsi s'efface la vie,
laissant l' veuf en sursis,
la veuve dans la survie
se répandre dans la nuit.
Et puis s'en vient l'oubli,
son image qui s'enfuit,
sa voix qui s'appauvrit,
nous laissant démunis.

Des petits riens pour un toutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant