Maison de retraite

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Faut-il avoir l'coeur froid
pour oublier là-bas,
dans ces maisons sans foi,
un parent au décroît
d'une vieillesse en deçà,
devenu embarras,
un surpoids sur les bras
dont on se rince les doigts.

Ce vieux devenu trop vieux
qu'on n'supporte plus ou peu,
pour qui on n'a qu'un voeu ;
Celui d' fermer ses yeux
et qu'il reparte aux cieux
où l'attendent ses aïeux,
qu'il abandonne les lieux
sur un dernier adieu.

Ce père dont on a honte.
Cette mère laissée pour compte
qu'on cache dans c'qu'on raconte ;
Des sornettes et des contes...
Que rien ne vous confronte
à l'opprobe qu'on rencontre,
quand le coeur s'ouvre et montre
le sombre de ce qui est contre.

Ne plus voir qu'ils vous aiment.
Nier que certaines rides blêmes,
nous les creusons nous-même
parce que nos peines extrêmes,
l'ampleur de nos problèmes,
ils les supportent eux-mêmes
comme le pire des blasphèmes.
Nous, qu'ils aiment plusqu'eux-mêmes,

l'amour de leur amour
surélevé au grand jour
depuis notre premier jour,
cet amour sans détour
qu'ils nous portent pour toujours,
qu'auront-ils en retour
à la place du secours
dont certains font les sourds ?

Se croire exempt de dettes
et refuser leurs quête
même si ce n'sont qu'des miettes,
et toujours leur promettre
qu'on les r'prendra aux fêtes,
qu'on s'ref'ra une causette,
bientôt, si le temps s'y prête.
Dimanche, oui... Ce serait chouette...

Enfin... Si on a le temps
parce qu'en ce moment,
on compte tous les instants
mais on viendra souvent,
surtout qu'ça fait longtemps.
Ce n'est plus comme avant,
mais avant, c'était quand ?
Avant d'être gênant ?

Alors ils les attendent
le coeur encor bien tendre,
jusqu'à ce que l'âme se fende,
et que passent les calendes
à espèrer l'offrande
d'une visite pas bien grande.
Juste quelques mots à prendre,
quelques baisers à rendre.

Des larmes dans leur mouchoir,
la vie dans le désespoir,
ils s'en iront plus tard
sans même leur en vouloir
de n'plus les entrevoir,
d'les perdre dans ces mouroirs
comme on laisse des chiens choir
dans des chenils bien noirs.

Auront-ils du chagrin,
quelques regrets non feints ?
Aucun tremblement de main,
quelques souvenirs lointains ?
Quelques instants enfin
pour ce fichu défunt
qui à la fin du fin
leur donnera son butin ?

Il se pourrait bien que oui.
Dans le vent, sous la pluie,
on leur doit bien ceci,
au Papy... La Mamie...

Des petits riens pour un toutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant