La pianiste 24

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La porte grinça, signe que c'était l'heure du repas. Elle releva la tête et retenta d'obtenir des réponses

"S'il vous plait, dites moi pourquoi je suis là"?

Les deux hommes encapuchonnés ne lui répondirent pas. Ils s'approchèrent comme chaque soir dans un silence total, muets comme des carpes. Elle avait toujours autant de mal à s'y faire. Elle  les regarda sans bouger, repliée sur elle même. Des fantômes, elle avait affaire à des fantômes.

Comme chaque soir, Ils déposèrent les gamelles et comme à chaque soir tournèrent les talons  pour ressortir sauf que cette fois ci avant d'atteindre la porte l'un deux reçu une des gamelles dans le dos. La bouillie chaude se répandit partout sur ses vêtements.

Il s'arrêta, ne se retourna pas, son complice revint vers Albane se baissa, ramassa celle qui contenait de l'eau et suivit de son compagnon sortit sans un mot ni un regard pour la jeune femme qui tremblait sur sa couche.

Hébétée, abasourdie par le geste qu'elle venait d'avoir, elle regardait l'endroit où se trouvait peu de temps auparavant  son repas.

Elle n'avait pas réfléchit. Son geste avait été instinctif, même pas prémédité. Elle  avait eue soudainement  envie de faire mal, et il n'était plus resté que ça, ce geste inconsidéré qui la privait de cette substance insipide qui lui permettait de ne pas mourir de faim. Un voile avait obscurcit son mental et sans réfléchir, elle avait saisit le récipient,  l'avait lancé.

Elle s'allongea sur le côté en ramenant ses genoux sur sa poitrine et sombra doucement dans une sorte de torpeur où elle resta les yeux ouverts à fixer le vide.

Elle n'avait pas faim, non, pas pour le moment. Elle  savait qu'elle allait rester presque vingt quatre heures sans manger. La punition pour son acte de rébellion.

Elle mangeait plus par nécessité que par faim mais dans ce cas la faim allait vite se faire sentir. Elle  s'affaiblissait de jour en jour doucement. Elle  avait l'impression que tout ceci était fait exprès, pour la maintenir en état de dépendance et d'obéissance, que tout était organisé pour qu'elle lâche prise, qu'elle en vienne à supplier, à accepter n'importe quoi pour redevenir un être humain, elle était à la limite de tout accepter mais un petit coin de son cerveau encore lucide lui demandait de ne rien accepter, de ne pas se laisser faire. Cela  devenait de plus en plus difficile,  trop longtemps maintenant qu'elle était enfermée. Elle  voulait voir du monde, des couleurs, entendre des voix, de la musique, n'importe quoi qui lui aurait redonné un peu de courage pour la suite. Elle  ne se posait même plus la question de savoir si on la recherchait...elle devait être bien cachée pour que personne ne l'ai encore trouvée.

On lui enlevait sa force, sa rébellion, sa personnalité, on la dépouillait de sa matière, on faisait d'elle un animal. Les monstres qui peuplaient ses nuit et sa solitude finissaient le travail lentement mais surement, bientôt elle ne serait plus qu'une coquille vide à qui on pourrait faire faire tout ce que l'on voudrait, bientôt elle ne serait plus qu'une marionnette manipulée et qui obéirait aux ordres donnés.

Ce qu'elle ne savait pas c'est que justement tout cela était prémédité.

Elle était le jouet caché, l'instrument qui allait déclenché leur perversité.


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