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— Enfin ! Deux heures d’interrogatoire pour finalement arriver à notre première hypothèse : ce M. William Delaire s’est bel est bien enfui. Je ne vois pas d’autres scénarios possibles. Qu’en pensez-vous Gen ?
Brahms s’était repoussé du bureau. On était à peine lundi matin et il se sentait déjà épuisé juste à l’idée de la montagne de travail qui l’attendait.
— Oui pas d’autres solutions.
— Bon il reste plus que sa soeur. Elle doit nous retrouver au commissariat. La pauvre, il paraît que c’est la seule famille qui lui reste.
Brahms et Gen désertèrent l'infirmerie au plus grand plaisir du personnel et rejoignirent le parking. En cette matinée de janvier, il faisait plutôt doux dans les rues parisiennes. Le soleil arrivait même à pointer le bout de son nez à travers les épais nuages gris.
Arrivé au commissariat, Brahms s’installa derrière son bureau et fit couler une tasse de café bien chaud. Rien de tel avant l’épreuve qui devait suivre. Même après ses trente cinq années d’expérience, il redoutait toujours la rencontre avec les familles. Sur ce, on frappa à la porte. Gen fit entrer une jeune femme d’une vingtaine d’année emmitouflée sous un manteau de velour noir. Ses cheveux châtains épais retombaient sur une écharpe de laine rose. Elle était assez jolie mais n’avait rien d'exceptionnel à part peut-être ses yeux bleus profonds. Sheila Delaire s’avança de quelques pas et s’installa sur la chaise que lui  présentait l’inspecteur.
— Ah Mlle Delaire, installez-vous ici. Je suis l’inspecteur Brahms et voici mon adjoint M. Gen.
Sheila les salua d’un signe de tête puis écouta ce que l’inspecteur avait à lui dire.
— Nous revenons tout juste de l’hôpital, commença celui-ci. Il vous a mis au courant ?
— Oui il m’a appelé ce matin.
— Écoutez, je serai clair. Tout porte à croire que, poussé par la panique, votre frère se serait enfui hier soir ou cette nuit en passant par la fenêtre que les infirmières ont trouvée ouverte ce matin.
Sheila soupira.
— Oui je m’attendais à ça. Il y aurait des moyens à mettre en œuvre pour le retrouver ?
— On a déjà prévenu tous les commissariats de la région parisienne ainsi que les gares et les aéroports. On a aussi prévu de lancer un avis de recherche parmi la population.
— Oui je vois. D’ailleurs j’ai pensé que cette photo pourrait vous être utile.
Elle tendit une feuille blanche, de format A4, sur laquelle avait été imprimée la photo d’un jeune homme, un peu plus âgé que sa sœur, roux aux yeux bleus, assis sur une chaise de jardin. Un vrai “british” pensa Brahms. Malheureusement il aurait pu s'agir de “monsieur tout le monde”, ce qui rendrait l’identification plus difficile. L’inspecteur remercia la jeune femme.
— Si j’ai bien compris vous êtes venu voir votre frère hier après-midi
— Oui comme on était dimanche j’ai passé l’après-midi avec lui.
— Est-ce qu’il vous aurait fait part de projets ?
— Non il avait l’air normal, enfin pas plus différent que les autres fois. C’est ça qui me surprend, même si je sais que son état peut changer rapidement.
— Vous n’avez aucune idée de là où il pourrait se trouver ?
Sheila secoua la tête.
— Non. Il aurait pû venir chez moi, mais je ne travaille pas le lundi donc je n’ai pas bougé de l’appartement.
— Bien. En attendant de nouvelles informations je peux vous donner rendez-vous lundi prochain pour faire un point.
— Si longtemps ? Sûrement qu’on aura des nouvelles de lui avant, non ?
— Je l’espère. Peut-être qu’il reviendra de lui-même à l'hôpital. Mais en attendant je vous tiendrai au courant de l’avancement de l’affaire. Par quels moyens peut-on vous joindre ?
— Voilà mon numéro de téléphone, dit-elle en tendant une petite carte de visite. Vous pouvez aussi me joindre au collège Condorcet. Je travaille là-bas.
— Très bien. Merci beaucoup mademoiselle.
— Merci à vous, bonne journée.
La jeune femme quitta la pièce. Finalement ça ne s’était pas trop mal passé.

Sheila sortit du commissariat. Elle ne réalisait pas encore ce qui lui arrivait. C’était trop de changements, trop d’émotions, trop de mauvaises nouvelles en seulement quelques mois. C’était arrivé d’un coup. Sheila se souvenait encore de ces premiers trous de mémoire mystérieux, des premières crises de panique. On avait finalement dû le placer dans un hôpital. Les examens menés par le Dr Lahille n’avaient rien donné. Il lui avait dit qu’il devait s'agir d’une sorte de stress post-traumatique. Il est vrai que la perte de leurs parents avait déchiré leur vie. D’ailleurs, chez Sheila, ces souvenirs étaient toujours aussi douloureux et elle s'efforçait sans cesse de fuir ce passé. Mais maintenant la réalité était en train de la rattraper, elle devait donc faire quelque chose. Elle regarda sa montre : 10h45. Il fallait qu’elle se presse. Elle courut jusqu’à son appartement à quelques pas de la Défense. Là, elle attrapa son violon et repartit rapidement vers le métro en direction de l’Opéra, pour sa répétition. Elle ne devait pas se laisser abattre. 

Le Secret de l'Endurance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant