30

7 2 0
                                    

2 jours plus tard, 7 mai 2015…

L’A380 se posa à 10h30 ce matin-là, et William attendait impatient devant les portes vitrées qui ne tarderaient pas à s’ouvrir.
Brahms lui avait tout raconté, tout ce qu’il savait : que Delseny avait proposé son aide à Sheila, qu’ils étaient partis en petit groupe pour une mission de reconnaissance dans l’Endurance, et que le détective n’était pas revenu. William se rappelait de Gérard avec qui il avait discuté plusieurs fois étant enfant. Il appréciait son calme et sa gentillesse mais aussi et surtout sa passion pour les animaux marins. Il se souvenait aussi vaguement de sa femme, Rose, qu’il savait d’ailleurs avec Sheila en ce moment. Il n’avait cependant pas pu savoir qui était la troisième personne qui les accompagnait. Brahms ne la connaissait pas.

La porte s’ouvrit enfin sur la foule de voyageurs pressés. William cherchait des yeux Sheila qui faisait d’ailleurs la même chose de son côté. Il l’a vit alors, essayant de se frayer un passage parmi la foule. Elle arriva finalement jusqu’à lui et se jeta dans ses bras. Elle pleurait, sans pouvoir s’arrêter. C’était comme quand elle était petite, et qu’elle venait se réfugier dans les bras de son frère parce qu’elle avait fait un mauvais rêve. Il répétait alors tout bas ce que sa mère lui disait quand il était petit : « C’est rien, c’est fini. »
Cette fois encore, il ne trouva que cette phrase à dire, comme une formule qui aurait le pouvoir de consoler. Le problème, c’est que la vie n’est pas comme ces rêves qui passent et qui s’envolent, la vie c’est une réalité.
William se desserra un peu de l’étreinte de sa sœur et la regarda.
— Tu vas pas dire que j’ai grandi ! lui lança Sheila en essuyant ses larmes.
William fronça les sourcils comme pour mieux réfléchir.
— J'aurais presque cru…
— Arrête William, je suis plus une enfant !
Et riant un peu, ils se prirent de nouveau dans les bras.
Rose et Megan arrivaient enfin, encombrées par leurs valises. Elles accueillirent William avec un large sourire. Celui-ci reconnu Rose dès le premier instant et fut heureux de rencontrer Megan, dont sa mère lui avait si souvent parlé.
Bientôt, tous les quatre entrèrent dans un taxi et rejoignirent l’appartement des Delseny. C’est là que Megan devait loger avant  de repartir pour Washington le lendemain. Car la vie devait malgré tout reprendre son cours…

William venait de terminer son récit. L’avion dans lequel il s’était caché s’était finalement posé quelques heures plus tard dans une petite ville canadienne. Avec une grande prudence, il avait réussi à s’extraire de l’appareil sans se faire remarquer. Une fois hors de la vue des hommes, il s’était mis à courir jusqu’au village. Là-bas, il avait pu rencontrer les autorités locales qui avaient ensuite pris en charge son retour vers la France. En quelques jours sa vie avait changé. Grâce à sa fuite, qu’il avait d’abord cru impossible, il s’était retrouvé libre et n’avait eu plus qu’une idée en tête : retrouver Sheila !
— Et c’est à ce moment-là que tu as rencontré Eliot ?
William acquiesça.
— C’est drôle ça ! Tu sais que c’est grâce à lui qu’on a pu savoir que tu étais prisonnier dans l’Endurance.
Le visage de William s’assombrit.
— Et vous alors ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
Puis se tournant vers Rose :
— Si ça te dérange pas qu’on en parle…
Celle-ci secoua la tête en souriant. Elle n’était pas trop triste. Elle avait confiance en Gérard, elle savait qu’il trouverait un moyen de s’échapper.
Megan se chargea donc d’exposer le récit de leur expédition, complétée de temps à autre par les remarques de Rose et Sheila. Comme à son habitude, elle expliqua les choses clairement, simplement, comme elles avaient été vécues. Elle ne rajoutait pas ces petits détails subjectifs qui embellissent et déforment la réalité. Elle ne fit même pas part de ses propres émotions, ou alors très succinctement. Sauf… sauf lorsqu’elle arriva à sa rencontre avec Tom. Cet épisode là, elle hésita même à le raconter. Mais l’émotion l’emporta. Ce fut alors un récit décousu, entrecoupé de colère et d’indignation.
Quand elle eut terminé enfin, William, calmement, osa ajouter :
— Tu parles de Tom Parks ? Tu sais que c’est le fils de Bob Parks, le célèbre trafiquant de voiture ?
— Quoi ?!
Megan semblait tomber des nues. Pendant tout le temps qu’elle avait travaillé avec lui, elle n’avait jamais fait le lien avec le célèbre bandit. En fait, elle ne s’était jamais vraiment intéressé à la vie de Tom.
Elle resta paralysée par la surprise.
— Mais tu sais je pense pas qu’il ait voulu te trahir. C’est pas vraiment de son propre gré qu’il est venu sur l’Endurance. Je crois qu’il a subi une sorte de chantage, en tout cas c’est ce qu’il m’a dit. J’ai parlé un peu avec lui sur le bateau. Il me faisait de la peine. Il avait l’air un peu perdu.
William essayait de calmer Megan. Il regrettait déjà d’avoir parlé du père de Tom. Mais contrairement à ce qu’il pensait, Megan n'était pas en colère, ou du moins, pas contre Tom. Plutôt contre elle en fait. Elle s’en voulait. Elle se souvenait encore de ce qu’il avait dit : « Ils avaient raison… Je vaux pas mieux que mon père… » Et elle, elle ne l’avait même pas écouté, elle s’était laissée emporter et elle lui avait répondu avec une méchanceté qu’elle regrettait maintenant.
— Excusez-moi ! J’ai juste besoin de sortir un peu.
Pendant que Megan prenait l’air sur le balcon, Rose en profita pour aller préparer les cafés dans la cuisine. William et Sheila se retrouvèrent donc seuls.
— Moi je le trouve gentil Tom, commença-t-elle. Il nous a quand même aidé à sortir de l’Endurance et moi il m’a empêché d’être prise au piège.
William sourit.
— Tu l’aimes bien ?
— Qui ?
— Tom, tu l’aimes bien non ?
Sheila rougit et détourna la tête.
— Arrête ! Pourquoi tu dis ça ?
Elle se leva alors et commença à débarrasser la table. William regardait le collier qui pendait autour du cou de sa sœur. Celui en forme de cœur. Celui que lui avait offert sa mère. Toujours le même.
— Sheila ?
— Quoi ?
— J’ai quelque chose à te dire…
— Ah ?
Au ton de sa voix, elle comprit que c’était important. Elle se rassit.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
Le cœur de William battait dans sa poitrine et une sorte d'appréhension lui nouait le ventre. Il savait que ce qu’il allait annoncer à Sheila allait changer leur vie. Il hésita encore une fois. Était-ce le bon moment ? Sheila le regardait. Il n’avait pas le choix. Il prit une grande inspiration et se lança :
— C’est papa et maman, Sheila… ils sont vivants !

Le Secret de l'Endurance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant