8

7 3 0
                                    

31 janvier 2015

Cela faisait presque deux semaines que Delseny enquêtait sur la disparition de William Delaire. Il avait commencé par inspecter tous les lieux indiqués par Sheila. Puis il avait rendu visite aux contacts retrouvés sur le portable du jeune homme. Mais cela n'avait rien donné. Alors, depuis la veille, il s’affairait à l'hôpital.
Il avait d’abord visité la chambre, puis avait entrepris d'interroger de nouveau le personnel de l'établissement. Il veillait à creuser plus en profondeur que ne l’avait fait Brahms. En effet, contrairement à la police surchargée, Delseny pouvait se permettre de prendre son temps.
En attendant dans l’infirmerie l’arrivée du prochain candidat, Delseny réfléchissait à ce qu’il ferait si ces nouveaux interrogatoires s'avéraient vains. Il savait qu’il devrait se rendre un jour ou l’autre sur le lieu de travail de Delaire. Mais il n’en avait pas vraiment envie. Alors bien sûr, il espérait que cette journée serait concluante. Malheureusement il était déjà 19h et il ne restait plus qu’une seule infirmière à interroger…
À cet instant, une jeune femme blonde, d’une trentaine d’année, en blouse blanche entra dans la pièce.
— Bonjour Mme Caillet.

Il était 20h15. Delseny se trouvait sur le parvis de l’hôpital. Il serrait sa veste contre lui pour se protéger du froid glacial. Depuis quinze minutes il essayait de joindre Sheila par téléphone mais il tombait à chaque fois sur son répondeur. Il se décida finalement à lui laisser un message :
— Sheila ? C’est Delseny, j’ai du nouveau. Rappelez-moi dès que vous pouvez. 
Puis il appela sa femme. Cette fois-ci il entendit rapidement décrocher :
— Allo Gérard ?
— Oui, Rose. J’ai du nouveau ! Et je cherche à joindre Sheila.
— Elle m’a dit qu’elle avait un concert à l’opéra ce soir, elle a dû couper son téléphone.
— OK, je vais aller la retrouver là bas alors.
— Tu veux que je te rejoigne ?
— Oui bonne idée ! À de suite. 

En quelques minutes Delseny se trouva devant l’Opéra Garnier. Rose attendait déjà devant l’entrée. Il était 20h30. Le spectacle avait débuté une demi-heure plus tôt. Le gardien fut donc surpris de les voir arriver.
— Détective Delseny, je viens en mission. Je cherche Mlle Sheila Delaire.
Le gardien appela une jeune femme qui les emmena dans les couloirs de l’opéra. Elle les conduisit pendant quelques minutes le long des couloirs vides puis s'arrêta soudain devant un balcon juste devant la scène. Deux autres jeunes femmes, habillées comme la première, s’y trouvaient déjà. Delseny, qui s’attendait à ce qu’on l’emmène dans les coulisses, demanda où se trouvait Sheila.
— Mais juste devant vous monsieur.
A ce moment là, une jeune femme vêtue d’une longue et souple robe noire, tenant un violon à la main, s’avança sur le devant de la scène : Sheila. Le public applaudit puis le silence emplit la salle…
Debout face à ses musiciens, le chef d’orchestre leva lentement sa baguette. La musique commença alors, douce et triste. Dès les premiers instants, Delseny reconnut l’un des plus grands et plus beaux morceaux de violon qu’il n'ai jamais entendu : la Liste de Schindler. Après quelques mesures, l’ensemble se tut pour laisser place à la soliste… Delseny retint son souffle… Soudain, le crin frotta la corde d’un son grave et vibrant qui fit résonner la salle. Puis on entendit le doigt de la violoniste glisser légèrement et le spectacle commença. Les notes résonnaient sous le dôme de l’opéra et s’envolaient sous l’effet de l’orchestre. Sheila glissait le long des cordes, fermant les yeux pour laisser la place à la musique. Pourtant au milieu de tous ces instruments on ne voyait qu’elle. Avec son violon elle transportait la salle entière. Les notes montaient et vibraient sans s’arrêter. Après un passage agité dans les profondeurs, la musique glissa jusque dans les plus beaux aigus, transperçant les cœurs des spectateurs. Une fine larme glissa même au coin de l'œil de Sheila. Delseny, lui, avait du mal à retenir ses larmes. Cette mélodie faisait remonter en lui ses souvenirs les plus douloureux. Des visages, qu’il avait trop souvent enfoui revenait sans cesse à sa mémoire. La musique, elle, descendit une fois de plus, puis remonta toujours plus haut, d’un calme émouvant cette fois. Les doigts de Sheila montèrent encore et encore et arrivèrent à cette dernière note pure et légèrement vibrante qui finit d’émouvoir le public. 
Puis ce fut le silence, un silence ému, émerveillé… Et soudain, un tonnerre d'applaudissements emplit la salle. Les lumières s'allumèrent et ce fut la fin, le retour au présent, à la réalité. Sheila ouvrit lentement les yeux et regarda à droite des spectateurs, vers la place 215, celle de son frère. Elle était vide…

Le Secret de l'Endurance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant