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9 mai 2015…

Megan marchait dans les rues animées de Washington. Après ces quelques semaines d'absence à la NASA, elle reprenait son habituel trajet matinal. Pourtant, elle avait l'impression que quelque chose avait changé dans cette ville qu'elle connaissait si bien. Quelque chose de différent, de plus terne, de moins vivant. Ou alors c'était plutôt elle qui avait changé. Une Megan différente qui revenait dans sa vie d'avant. Elle ressentait une sorte de mélancolie ou de lassitude, un grand vide après la tempête. Lorsqu'elle entra dans le bâtiment, les murs lui parurent moins blanc à côté de la pureté de la neige. Elle allait bientôt retrouver les étoiles, ça au moins elle ne pouvait pas s'en lasser.
Megan poussa la porte de l'open space. « Bonjour ! » Pas de réponse. Ses collègues étaient tous au travail. Ils avaient tous l'air très concentrés. Mais Megan savait qu'ils l'avaient vu entrer et que sous leurs airs de travailleurs acharnés ils la regardaient. Elle se sentit alors mal à l'aise. Elle observa autour d'elle comme pour chercher un regard parmi l'ignorance. Alors elle comprit.
— Ah bonjour Megan !
La voix venait de derrière elle. Elle se retourna brusquement.
— Bob ! Qu'est-ce qu'il se passe ?
— Ah ? On t'a pas prévenu ?
Malgré son air innocent, Megan sentit le ton moqueur dans sa voix. Autour, une douzaine d'yeux les regardaient discrètement. Ils s'attendaient tous à l'explosion de colère de Megan. Mais celle-ci ne venait pas…
Pour une fois Megan se maîtrisa. Elle se contenta seulement de fixer son chef ou plutôt son ex-chef du regard.
— Où sont mes affaires ?
Bob eut un léger mouvement de surprise. Il ne s'attendait pas lui non plus à cette réaction de Megan. Il bafouilla un peu :
— Là, dans le carton…
Megan s'empressa de ramasser ses affaires et de sortir de la pièce. Avant de passer le pas de la porte, elle lança un "au revoir" sans réponse. Puis elle se précipita vers la sortie. 

Dès qu'elle se trouva dehors, elle fut comme réveillée par l'animation de la ville. Que faire maintenant ? Elle n'avait pas envie de rentrer en métro au milieu de la foule et préféra le taxi.
Une fois installée à l'arrière du véhicule, elle s'autorise à fermer les yeux et à souffler un peu. Elle essayait de relâcher un peu la pression. Jamais elle n'aurait imaginé être traitée de cette façon. Après tout le temps et l'énergie qu'elle avait consacré à ce travail, elle n'aurait jamais pensé être jeté comme un vulgaire papier.
Mais Megan n'était pas du genre à s'apitoyer sur son sort. Elle ne vivait pas au passé, mais au présent. Elle avançait. Elle ne se laissait pas abattre surtout, surtout lorsqu'elle se rendait compte qu'elle était suivie !
— Vous avez pas l'impression que ce taxi nous suit depuis tout à l'heure ? suggéra-t-elle au chauffeur tout en se relevant de son siège.
— Mmh ? Oh ! Ben peut-être qu'il va au même endroit que nous…
Le chauffeur n'était semble-t-il pas convaincu. Megan se repoussa sur son siège. Mais elle n'était pas rassurée pour autant.
Les minutes passaient. Et toujours ce même taxi derrière eux. Alors qu'ils étaient bloqués dans les embouteillages, le long d'une grande avenue, Megan n'y tint plus.
— Je vais descendre là.
— Quoi ?!
— Je descends ici. Mais je vous paye tout le trajet.
— Attendez ! Vous pouvez pas descendre là ! C'est trop dangereux !
Mais Megan n'écoutait pas.
— Tenez ! Et merci pour le transport.
— Et vos affaires ? fit-il en désignant le carton posé sur le siège.
— Je vous laisse ça ! C'est cadeau !
Puis elle ferma la portière car les voitures commençaient à avancer de nouveau.
Megan se faufila entre les véhicules s'en se retourner. À vrai dire, elle avait déjà beaucoup de choses à surveiller devant elle. Ce n'est qu'une fois arrivée sur le trottoir qu'elle commença à regarder derrière elle. Il était néanmoins assez difficile de repérer une filature parmi la foule de badaud qui marchaient autour d'elle. Mais Megan comptait justement sur cette dernière pour la camoufler, si comme elle le pensait elle était bien traquée.
Ce n'est qu'au bout de quelques minutes, alors que la foule se faisait moins dense, que ses suppositions se révélèrent confirmées. Mais elle jetait des regards tellement rapides derrière elle, qu'elle n'arrivait même pas à savoir si elle connaissait le visage de celui qui la suivait. Elle ne voyait que son pull rouge.
Megan ne savait pas exactement pourquoi il était là. Mais elle était certaine que la réponse à cette question devait avoir un lien avec leur récente excursion dans l’Endurance. Quoi qu'il en soit, elle continuait à marcher sans s'arrêter. Cependant, plus le temps passait plus elle savait qu'il lui fallait trouver une solution pour se sortir de cette situation. Elle décida finalement, au dernier moment, de s'engouffrer dans une galerie marchande. Avant que l'homme ait pu voir où elle allait, elle s'engouffra dans le premier commerce à sa droite. Il s'agissait d'un petit café. À cette heure-là de la journée, il n'y avait pas foule. Megan s'installa discrètement au fond de la salle et commanda un chocolat. Mais alors qu'elle pensait être sortie d'affaire, elle vit le pull rouge s'approcher du petit commerce. Il l'avait retrouvé ! C'est à ce moment-là qu'elle vit son visage : Tom !  Il s'avança vers elle. Il semblait essoufflé et pressé, mais pour une fois sûr de lui.
— Bonjour Megan. Désolé de t'avoir suivi jusqu'ici. Mais il fallait vraiment que je te parle et… sans qu'on me voit.
Megan ne savait pas quoi dire. Mais celui-ci continua sans se faire prier.
— Voilà ! Je sais où est Gérard, et aussi Michel et Anna. Je veux vous aider. Je l'ai dit à tes amis. Gérard a trouvé un plan pour s'échapper, mais ils ont besoin de vous. Sil te plaît Megan ! Fais moi confiance ! Je veux vraiment vous aider !
Megan observait Tom. Elle ne l'avait jamais vu aussi confiant. Sans vraiment savoir pourquoi, elle était sûre qu'il ne mentait pas. Et de toute manière elle n'avait pas d'autre choix. Il était le seul lien avec Gérard et les Delaire.
— D'accord Tom.
Celui-ci ne prit même pas le temps de sourire. Il sortit de sa poche une feuille pliée en quatre et la tendit à Megan.
— Tiens, Gérard a expliqué tout le plan sur ce papier.
Megan acquiesça.
Tom regardait autour de lui.
— Il faut que j'y aille maintenant. À bientôt Megan.
— Attends Tom !
Ce dernier, qui commençait à s'éloigner, s'arrêta.
— Je voulais m'excuser pour… ce que j'ai dit l'autre jour sur l'Endurance
Tom sourit d'un air gêné, un peu gauche. Son sourire habituel. Puis il disparu.
Une fois seule, Megan se demanda si elle avait bien fait. Pouvait-elle vraiment lui faire confiance alors qu'il semblait à première vue se trouver dans le camp ennemi ?
Elle ouvrit la feuille et l'étala sur la table. Elle la lut rapidement puis la replia. Se repoussant sur sa chaise, elle souffla.
En bas, tout en bas de la page, elle avait pu lire : « Megan, fait confiance à Tom. Anna. »
Et Anna ne mentait jamais.

Le Secret de l'Endurance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant