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— Tom tu m’écoutes ?
— Quoi ? Pardon ?
Tom venait de terminer de passer son message. Il avait réussi à rebrancher discrètement le casque de la radio. Son père n’avait rien remarqué, lancé dans ses explications. Il attendait maintenant la réponse de William.
— Je te proposais de participer à mon prochain projet. Qu’est-ce que tu en penses ?
Tom était un peu à l’ouest. Il n’avait rien suivi à la discussion mais il se doutait bien à quoi son père faisait référence quand il avait parlé de “projet”. Il bafouilla :
— Ben… euh… non, je crois que je pourrais pas…
— Pourquoi mon projet te plait pas ?
— Si, enfin non…
— Est-ce que tu m’as écouté au moins dis ? ça te plairait pas qu’on travaille ensemble ?
Tom sentit les sentiments qu’il avait enfoui au fond de lui remonter à la surface. Il devait lui dire. Il devait lui expliquer.
— Papa, c’est juste que… je suis pas comme toi.
— Ah oui, je vois. Tu préfères faire ta propre renommée, c’est ça ? Je comprends tout à fait.
— Non papa… je veux dire que…
Tom voyait bien que son père le regardait avec fierté. Un instant il faillit se reprendre. Mais il devait lui dire la vérité.
— … que je veux pas être un bandit. Je veux être un honnête homme.
Bob Parks resta stupéfait. Il était déçu, très déçu même, Tom le voyait dans ses yeux. Il passa la main sur son visage, cette main rugueuse qui, Tom le savait bien, ne se poserait plus jamais sur son épaule. Pour le jeune homme, c’était comme si le monde s’écroulait, une deuxième fois, quinze ans plus tard. Même s’il ne s'était pas fait d’illusions, même s’il n’avait pas attendu l’impossible, l’espoir avait toujours été là, au fond de lui. Maintenant il était parti, envolé, comme balayé par le vent.
Le père et le fils restèrent silencieux, sans vraiment se regarder et sans vraiment s’ignorer. Soudain, un bruit assourdissant enveloppa la cabane. Les murs se mirent à trembler. Par réflexe, ils regardèrent en même temps le plafond. Puis d’un coup Tom compris. Le monde n’était pas en train de s’écrouler au-dessus de lui. Non, c’était l’hélicoptère qui venait le chercher. En deux secondes, il se précipita vers la porte. Alors qu’il était sur le point de sortir, il entendit son père crier derrière lui :
— Tom ! Qu’est-ce qui se passe ?
Il n’avait pas le temps de lui expliquer, il comprendrait d’ailleurs bien assez tôt.
Dès qu’il ouvrit la porte, le souffle de l’air brassé par les hélices s’engouffra dans la pièce. Tom était prêt. Un câble était tendu juste devant lui pour qu’il puisse s’y accrocher. Juste avant de s'élancer, il se retourna une dernière fois :
— Au revoir papa. Je t’aime.
Il avait crié de toutes ses forces. Mais Bob Parks l’avait-il entendu ?
Quoi qu’il en soit, Tom n’hésita pas plus longtemps. Il s'agrippa au câble et commença à grimper les deux mètres environ qui le séparait de l’hélicoptère. Sheila l’attendait. Elle l’aida à monter sur la plateforme.
— Merci !
Sheila sourit.
— Attache ta ceinture, dit-elle pour seule réponse.
Tom était un peu mal à l’aise.
— Je suis désolé. Je voulais pas vous causer tous ces problèmes…
— T’inquiète pas, le coupa William.
Il avait entendu, malgré lui, la discussion que Tom avait eue avec son père. Il s’en voulait. 
— Tout le monde est prêt ?
— Oui c’est bon William !
L’hélicoptère s’envola rapidement, un peu trop rapidement. William n’avait pas vu l’avancée de toit au-dessus de l’appareil. Il fonça droit dessus.
Tout se passa alors tellement vite. La vitre se brisa en mille éclats, juste devant William. Celui-ci cria, il était blessé. L’hélicoptère, hors de contrôle, commençait à chavirer.
— William !
En une demi-seconde Eliot attrapa les commandes et redressa violemment l’appareil. Les passagers furent soudainement bousculés. Tom, qui n’avait pas eu le temps de s’attacher serait tombé si Sheila ne l’avait pas retenu.
— Merci !
Mais cette fois Sheila n’écoutait pas. Elle s’était précipitée vers son frère.
— William !
— T'inquiète pas Sheila. Je vais bien.
— Non William, t’es blessé.Vient derrière ! Je vais te soigner ! Eliot prend sa place !
— Mais je sais pas conduire moi !
— Je vais t’aider Eliot !
C’était la voix de Tom. Une voix ferme, déterminée. Un Tom sûr de lui.

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