Le Secret de l'Endurance

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Quelques jours plus tard, le 28 avril 2015…

“Surprenant” est tout à fait l’adjectif qu’aurait  choisi Sheila pour qualifier l’homme qui venait à leur rencontre. Avec ses cheveux décoiffés, ses petites lunettes ovales et son gros nez rond, Jack Sue semblait davantage sortir tout droit d'un cirque ou d’une fête foraine plutôt que d’une station météo. Megan dû remarquer l’étonnement de Sheila car elle lui lança un regard complice.
— Alors les amis ! Comment ça va ? leur lança-t-il en guise d'accueil à leur arrivée à l'aéroport. Ah Gérard ! T’as pas changé ! Juste quelques cheveux blanc, ah, ah ! Salut Rose ! Salut Megan ! Ah je suis content de vous voir ! Qui est cette jeune femme avec vous ?
— C’est Sheila, la fille des Delaire, lui expliqua Rose.
— Oh c’est pas vrai ! Enchanté Sheila ! reprit Jack plein d’entrain. J’avais entendu parler de toi et je suis heureux de te rencontrer. D’ailleurs vous savez pas qui j’ai rencontré l’autre jour…
Après avoir terminé son long monologue, Jack invita ses amis à entrer dans son petit avion.
— Voilà, c’est l’avion dont je me sers à chaque fois que je vais à la station météo. Vous trouvez pas que c’est un beau modèle? Il a été construit en…
Alors que Jack reprenait ses interminables explications, Gérard, Rose, Megan et Sheila s’installèrent comme ils le purent dans la minuscule cabine de l’appareil. Finalement, Jack prit sa place aux commandes. Une fois l’avion dans les airs, il commença à s'intéresser un peu plus à ses amis.
— Au fait, lança-t-il à l’adresse de Gérard qui se trouvait à sa droite, qu’est-ce qui vous emmène ici ? T’as été assez vague au téléphone. D’habitude, y’a pas beaucoup de monde qui me demande de loger chez moi. C’est vrai qu’il y fait un peu froid, ah, ah ! Mais bon ça vous a pas refroidi apparemment, ah, ah !
— En fait, depuis le… depuis la fin de l’expédition, j’ai changé de métier. Je suis détective privé maintenant.
— Ah oui j’en ai entendu parler. Ça t'allait bien quand même la biologie. Mais bon, on change dans la vie !
— Et donc, continua Gérard en ignorant les commentaires de Jack, on pense que certaines personnes se seraient introduites illégalement dans l’Endurance.
Le visage de Jack se crispa soudain. N’étant pas dans ses habitudes de quitter son chaleureux sourire, Delseny comprit que Jack était au courant de quelque chose.
— Jack, si tu as des éléments, il faut que tu nous en parle, c’est très important, lui dit-il tout en gardant son calme. C’était quand ?
— Je… je sais plus trop… il y a deux ou trois mois, peut-être plus, je sais plus très bien.
A l’arrière, Rose, Megan et Sheila redoublèrent d’attention.
— Et il y avait qui dans le bateau ?
— Ben comment dire… c’est compliqué…
— Ils étaient combien ? continua Delseny avec impatience.
— Ben on était trois.
— Non, je veux parler de ceux qui logeaient sur le bateau ?
— Mais personne n’habitait là-bas. Stephan et Ben étaient passés me voir. Ah oui, parce qu’on est resté amis avec Stephan et Ben. Et alors, on a juste voulu retourner voir. Mais vraiment on voulait pas faire de mal…
— D’accord. Mais il n’y avait personne d’autres sur le bateau ?
— Non ! non ! Mais vraiment tu sais…
Gérard se ravisa. Il s’était fait une fausse joie.
— Attends Jack, je crois qu’on ne parle pas de la même chose. On est à la recherche du frère de Sheila, William, qui a été enlevé, et qui aurait été amené sur le bateau.
— Ah non ! Ça c'est pas moi ! J’ai jamais enlevé personne !
A ce moment-là, Gérard se dit en lui-même, que même avec la meilleure volonté du monde, il aurait beaucoup de mal à imaginer Jack en train d’enlever qui que ce soit.
— Non, ne t’inquiète pas Jack, on parle pas du tout de ta petite expédition…
— Tu me rassures, ah, ah ! Quand même ! Tu m’as fait une de ces peurs ! Surtout que maintenant t’es détective, ah, ah !
Jack avait déjà retrouvé sa bonne humeur. Mais Delseny lui n’en perdait pas moins le fil de son enquête.
— Et donc, à aucun autre moment tu n’as remarqué une présence dans l’Endurance ?
— Non ça jamais. Mais tu sais, elle est quand même pas tout à fait à côté d’Alert, donc je la vois pas d’où je suis. D’ailleurs vous allez voir, là où je travaille, et là où je loge aussi quand je suis de permanence, c’est pas du grand luxe et c’est assez petit. Mais j’ai réussi à convaincre mon collègue de rester chez lui pendant cette session…

Le bâtiment ne pouvait effectivement pas être qualifié de luxueux. Il était néanmoins assez bien agencé, ce qui permettait à toute notre petite troupe d’y entrer sans trop se serrer. Une fois arrivé, chacun entreprit aussitôt de s’installer : Gérard et Rose dans la pièce commune, Megan et Sheila dans chacune des deux minuscules chambres et Jack dans une petite pièce de service où il installa un lit d’appoint. L’observatoire se trouvait ensuite aux étages supérieurs.
Alors que tous les autres terminaient de déballer leurs bagages, Gérard sortit prendre l’air quelques minutes. Dès ses premiers pas à l’extérieur, il sentit le froid lui glacer le visage. La nuit était tombée. Il s’avança encore un peu plus dans la pénombre et s’assit sur une pierre. Tourné vers l’horizon, il contempla le spectacle devant lui. A cette époque, les aurores boréales avaient fini d’illuminer le ciel.  Alors, dans une pureté infinie, seule la neige contrastait avec l’immensité profonde du néant. Il y a au moins des choses qui ne changent pas, pensa Gérard.
Et sous ce décor enchanteur, il s’envola loin, très loin, dans les souvenirs enfouis de son passé…