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2 mois plus tard, 7 avril 2015

Quelque part en Espagne, dans la nuit sombre et silencieuse, l’homme au masque noir se glissa comme une ombre derrière la maison. Il escalada le mur aussi rapidement qu’il le put. Ses doigts et ses pieds n’avaient que peu d'accroche sur les pierres. Il arriva enfin sur le toit en tuile rouge. Il devait marcher avec précaution pour éviter le moindre bruit et le moindre glissement. En quelques secondes à peine, il traversa la suite de toits qui se trouvaient devant lui. Arrivé au bout du chemin, il sauta dans le vide, et…
— Eliot ? Tu m’écoutes ?
— Euh… oui… euh… pardon…
— Je viens de te poser une question Eliot.
— Ah… euh… j’étais un peu distrait.
— Oui je vois…
La classe se mit à rire devant sa tête à peine revenue sur terre.
— Allez Eliot, un petit effort. Ça sonne dans dix minutes. Viens au tableau et essaie de faire cet exercice.
Eliot se leva à contre-cœur. Madame “La prof de Maths” l’avait coupé en plein milieu de son histoire, juste au moment où Zoro allait sauter sur son cheval. Il aurait bien aimé voir ça, Zoro qui saute et qui part au galop. Au lieu de cela, il se retrouvait nez à nez avec un problème de mathématiques, celui qu’il aurait dû faire la veille mais qui lui était complètement sorti de l’esprit.
Dès que le signal de la fin des cours retentit, la salle entière se vida. Seule Sheila restait, derrière son bureau, à effacer le feutre sur le tableau. Ce soir-là, elle avait décidé de rester un peu ici pour corriger ses copies. Déjà que ça n’était pas sa tasse de thé, aujourd’hui, elle en avait encore moins envie. Depuis quelque temps, elle n’avait plus goût à rien. L’expédition à la montagne deux mois plus tôt, n’avait rien donné. Delseny avait donc été forcé d’informer la police. Mais lors d’un petit tour à l’hôpital, l’inspecteur Brahms avait eu la surprise d’y trouver le Dr Lahille, plus heureux que jamais. Il avait bien sûr nié les faits. L’infirmière, quant à elle, avait étrangement changé de version des faits. La police avait donc décidé d’arrêter l’enquête. Mais les idées de Delseny n’avaient pas changé et il continuait de chercher de son côté. Sheila, pour sa part, était tiraillée. Elle voulait faire confiance à Delseny. Cependant il semblait le seul - avec sa femme certes - à s’attacher à cette hypothèse. Le faisait-il juste pour l’aider à ne pas tomber ? Mais pourquoi voulaient-ils l'aider, elle ? Quelques soient leurs raisons, leur soutien lui était d’une grande aide. Ce soir d’ailleurs, elle était invitée chez eux. Elle regarda sa montre : 17h35. C’était l’heure de partir. Elle rangea rapidement ses affaires, jeta un coup d'œil rapide sur la salle de classe et quitta l’établissement.
Alors qu’elle arrivait sur le parvis, elle remarqua un de ses élèves assis par terre sur une marche.
— Eliot ? Qu’est-ce que tu fais là ? Tu ne rentres pas chez toi ?
— Oh en fait j’attends mes parents parce que j’ai oublié ma carte de métro et j’ai pas d’argent sur moi.
— Et ils arrivent dans combien de temps tes parents ?
Eliot jeta un coup d'œil sur sa montre.
— Dans trois quart d’heure environ…
Sheila hésita. Elle aurait préféré se rendre tranquillement chez les Delseny…
— Bon allez viens. Je vais te le payer ton ticket de métro.
Eliot paru surpris.
— C’est vrai ?
— Mais oui. Je vais pas te laisser attendre là tout seul.
— Oh merci madame !
Il passa un rapide coup de fil à ses parents, puis, accompagné de Sheila, se dirigea vers la station de métro. Comme ils allaient dans la même direction, ils décidèrent de faire le trajet ensemble. Rapidement la discussion s’engagea.
— Ça va tu t’adaptes à ta nouvelle école ? commença Sheila sachant qu’il était arrivé il y a seulement quelques semaines.
— Oui ça va. Mais c’est vraiment différent de mon ancien collège.
— Tu habitais où avant ?
— À Charmont-sous-Barbuise. C'est dans la campagne, fit il accompagné d'un geste vague de la main.
— Ah… Et tes parents sont venus ici pour le travail ?
— Euh…non en fait c'est pour mon petit frère. Comme il est sourd et qu'il est super doué à l'école, mes parents ont voulu qu'il soit inscrit dans un bon établissement.
— Ah d'accord. Tu parles la langue des signes alors ?
— Oui, oui.
— Bravo ! Et tu as d'autres frères et sœurs ?
— Une grande sœur. Et vous ?
Sheila fut surprise par cette question.
— Heu… oui… j'ai un grand frère.
— Et vous avez des enfants ?
Sheila sourit devant la curiosité de son jeune élève.
— Non je ne suis pas mariée et je n'ai pas d'enfants.
— Ah d'accord. Vous aimez les chevaux ?
— Oui… enfin je connais pas trop. Tu sais moi j'ai grandit en ville. Et toi, tu aimes ?
— Oh oui beaucoup, en fait je collectionne les photos de chevaux. Regardez…
Il sortit de son sac à dos Eastpak un petit cahier d'écolier, à l'intérieur duquel il avait collé des dizaines de photographies de chevaux.
— À chaque fois je note la race du cheval et je lui donne aussi un nom. Celui-là par exemple c'est un pur sang arabe…
Sheila observait en souriant. Cela lui rappelait les carnets de son frère lorsqu'il commençait à s'intéresser aux animaux marins, une passion qui habitait déjà son père. Pour une fois ces souvenirs la faisaient sourire. Elle se rappelait qu'une fois, elle devait avoir six ou sept ans, ils avaient visité un gigantesque aquarium. William et son père arrivaient à reconnaître toutes les espèces marines qui nageaient derrière les vitres. Pendant ce temps, avec sa mère, elle s'amusait plutôt à leur inventer des noms farfelus. Sheila serra entre ses doigts le collier. Elle entendait encore sa douce voix, teintée d’un léger accent britannique qui lui disait :
— Ce petit collier, pour te rappeler que je t’aime très fort. 

Le Secret de l'Endurance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant