16

5 3 0
                                    

2 semaines plus tard, le 23 avril 2015

Eliot attendait sur le parvis du collège. Sheila devait aller chercher des papiers à l’administration. Depuis deux semaines, ils avaient pris l’habitude de rentrer ensemble lorsque leur emploi du temps le permettait. Dès le lendemain de leur premier trajet, Sheila avait retrouvé Eliot attendant comme la veille devant le collège.
— Tu as encore oublié ta carte, Eliot ?
— Non cette fois-ci je l’ai, lui répondit-il tout en la lui montrant. C’est juste que, si ça vous dérange pas, on pourrait faire le trajet ensemble. Vous savez j’ai pas beaucoup d’amis ici et c’était chouette de pouvoir discuter hier.
Sheila sourit. Et puis… pourquoi pas ! Elle rendrait service à son nouvel élève sans amis et se changerait ainsi les idées. En effet, ces petits trajets avec Eliot, étaient pour elle comme un rayon de soleil dans la période tourmentée qu’elle vivait.
Cette fin d’après-midi d’avril n’avait pas fait exception.
— Désolée Eliot, j’ai pris un peu plus de temps que prévu…
— Oh c’est pas grave !
— T’as prévenu tes parents ?
— Ça sert à rien, ils sont encore au travail.
— D’accord c’est toi qui vois.
Sur ce, ils se dirigèrent vers la station de métro. Alors qu’ils descendaient les escaliers, ils entendirent le métro entrer en gare.
— Mince on va le rater ! lança Sheila.
— Pas si on court…
Sans qu'elle ait eu le temps de répliquer, Eliot s’élança en courant et elle fut bien obligée de le suivre. Les portes se refermèrent juste derrière eux. Ouf ! Il était moins une ! Sous son rôle sérieux et rigoureux de professeur de mathématiques, rien ne pouvait laisser croire que Sheila avait eu le temps de perfectionner ce jeu-là avec son frère quand ils rentraient ensemble du collège et du lycée… et même après…
— Vous en voulez ? proposa Eliot en lui tendant un sachet de dragibus.
— Oh oui merci.
Elle plongea sa main dans le paquet et en ressorti avec un petit bonbon rouge.
— Ah moi je préfère les verts ! lança Eliot.
— Tu crois qu’il y a une différence ?
— Bien sûr.
Un peu plus et Sheila croyait retomber tout droit en enfance. Elle ouvrit sa veste. Il faisait tellement chaud dans ce wagon bondé, surtout après l’exploit sportif qu’elle avait dû réaliser. Elle tourna la tête vers Eliot. Lui était bien emmitouflé dans son gros manteau bleu.
— T’as pas chaud comme ça Eliot ?
— Non, cha va, répondit-il les dents à moitié collées par la demi-douzaine de dragibus qu’il venait de dévorer. D’ailleurs, vous savez qu’il m’a sauvé la vie ce manteau ?
— Ah bon ?
— Oui, il faut que je vous raconte. Alors…
Eliot commença un récit vivant et détaillé de ses péripéties. Sheila écouta d’une oreille amusée tout d’abord. Bien qu’elle soit très souvent en contact avec les enfants, elle n’avait pas l’habitude de discuter avec eux. Mais plus elle écoutait Eliot plus elle le découvrait. Elle était loin d’imaginer que son jeune ami puisse détenir les informations qu’elle recherchait depuis quelques mois...
— Donc là je suis passé sous la barrière de sécurité et j’ai sauté du télésiège.
— Quoi ? Mais tu es fou !
— Non, non, vous inquiétez pas c’était pas très très haut. Après je me suis dépêché de descendre en bas de la piste. Et là… j’ai retourné mon manteau pour qu’on puisse pas me reconnaître.
— Mais Eliot, c’est super dangereux ce que tu as fait !
En réalité, elle ne croyait qu'à moitié à la véracité de ce récit.
— Mais non, et puis ce qui est bien c’est que j’ai réussi à entendre la phrase secrète…
Il avait dit cette dernière phrase avec un mélange de malice et de mystère propre aux enfants de cet âge.
— Et alors c’était quoi cette phrase secrète ? fit Sheila d’un air amusé.
— C’était : “il faut qu’on l’emmène au bateau en…” et là sur le coup j’ai pas compris le dernier mot.
D’un coup Sheila quitta l’insouciance de l’enfance pour revenir à la réalité. Un doute venait de germer dans son esprit.
— Et… t’as aucune idée de ce que c’était ce mot ?
— Ben vous savez je suis pas encore très bon en néerlandais. Donc en rentrant j’ai dû le chercher dans le dictionnaire…
—°Et alors ça voulait dire quoi ?
—°Arctique.
Sheila resta pétrifiée.
—°T’es sûr ?!
—°Oui, oui.
—°Et c’était deux hommes en noir tu dis, qu’ils parlaient étranger ?
—°Oui néerlandais. Pourquoi ?
Sheila était bouche bée. Ses pensées se bousculaient dans son esprit.
—°Euh madame… c’est pas votre arrêt ?
Sheila revint subitement au moment présent.
—°Ah oui merci Eliot. 
Elle attrapa son sac en vitesse et salua son ami.
—°Merci, merci beaucoup Eliot. A demain.  
Sur ce, la porte automatique se referma, séparant les deux amis.
—°Bizarre…, se dit Eliot en haussant les épaules. Puis il avala un nouveau dragibus… rose cette fois-ci.

Le Secret de l'Endurance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant