S, comme Shinigami [Ace X OC]

XIX En retard en vigie

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Trois ans plus tard...

          Les yeux clos dans une insolence qui énerve toujours ses ennemis, Sasha esquive le coup de sabre abattu à sa droite. Nul besoin de la vue lorsque les rythmes cardiaques au milieu d'une bataille lui donnent toutes les informations nécessaires. Il ne reste à la shinigami qu'à suivre les mouvements des corps qu'elle prend en filature pour deviner chacun de leurs faits et gestes. Une main à son oreille, la jeune femme active le petit escargophone glissé comme un cache et donne des indications - comme une incantation ou un calcul de mathématiques étranges pour les néophytes.

— La deux, cent ; pont, cinquante ; inférieur, trois cents, liste-t-elle en reculant de quelques pas pour se sortir d'une mêlée naissante. Quatre-vingt-dix tribord, vingt chargés, huit allumés ; Blenheim, trois trois en approche bâbord...

Les commandants et responsables de troupes qui reçoivent ces informations connaissent la chanson. C'est une langue maîtrisée depuis peu, améliorée chaque année. La traduction ? Cent adversaires sur le bateau de la seconde division, cinquante sur le pont du Moby Dick, trois cents à terre, vingt canons chargés à quatre-vingt-dix degrés à tribord, huit d'entre eux prêts à faire feu, trois trois mâts arrivent dans le champ d'action de Blenheim, à bâbord. Les sens aiguisés de Sasha repèrent le moindre individu à une centaine de mètres autour d'elle. De quoi donner des indications précises à sa famille pour rendre l'affrontement bien plus simple.

A ses côtés, Yan tient toujours le même poste. Celui qu'il ne quitte pas depuis que cette petite-sœur effrontée à décider de ne plus se cacher dans une cabine à chaque combat. Il ne laisse passer aucun badaud qui tente de l'atteindre. Et sa protégée lui fait confiance... Littéralement les yeux fermés. Jusqu'à ce qu'un son la fasse regarder derrière elle. D'un petit saut peu gracieux, elle monte sur le bastingage et repère une veste blanche aux épaulettes garnies. Elle connaît ce visage. Le vice-amiral Onigumo se joint à la partie. Elle l'entend sans mal demander à ses hommes de ramener "la gamine aux cheveux blancs" sous peine de servir de nourriture aux monstres marins.

L'intéressée en a désormais l'habitude : il ne se passe pas six mois sans qu'une attaque ne vise le Moby Dick dans l'unique but de la capturer. Décidément, les Dragons célestes peinent à prendre leur mal en patience, pense-t-elle en soufflant l'information dans son escargophone. Souvent, il s'agit d'un accueil en petit comité, une embuscade, un espion seul, parfois, ou un somnifère dans une boisson servie dans un port. Plus rarement, une bataille de plus grande envergure prend l'équipage par surprise. Ou presque.

— C'est beau l'abnégation, ricane-t-elle en croisant le regard du marine.

— Comme si tu savais ce que ça veut dire, rétorque Ace, à l'autre bout de la flotte, dans sa même oreillette.