VI Sasha, la camarade provisoire

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          Dans ses rêves, ses cauchemars ou ses songes, Sasha tient toujours le rôle de la troisième personne. Celle qui voit mais ne bouge pas. Elle assiste à la mort des autres sans pouvoir ni se mouvoir, ni parler. Alors, cette nuit-là, quand cette étrange mer de flammes réapparaît devant ses yeux, elle s'étonne de pouvoir avancer vers elle. Le crépitement l'apaise alors que ses visions lui donnent souvent plus envie de vomir que de s'y attarder. Elle s'approche tant que sa main vient survoler le brasier sans qu'aucune chaleur ne la brûle. Et même si au loin, un brouillard aussi sombre que la nuit se détache, Sasha préfère observer ce paysage si calme qui semble guérir ses blessures. Reposant.

Les regards changent sur le Moby Dick. Pas seulement grâce à la proposition de Barbe-Blanche et la perspective que Sasha reste bien une année à leurs côtés, mais surtout car l'ange de la mort leur a donné la victoire, offerte sur un plateau d'argent ce jour de brouillard. Elle aurait voulu que les comportements passent du tout au tout dès le lendemain, qu'elle ne se soucie plus de ses gestes, de son regard, de ses mots ou de qui elle croise sur le pont. Force est de constater que les sceptiques auront encore besoin de temps pour remplacer le mot shinigami par nakama. Pourtant, ils ont bien remarqué que, ces dernières semaines, aucun pirate n'est mort sur le navire. Sasha s'étonne d'ailleurs de ne rêver d'aucun d'eux, de ne rêver de plus personne à vrai dire. Un repos mérité pour l'âme.

Ce qui ne change pas d'un pouce, c'est cette cabine partagée avec John, Rafael, Tito, Suzumo et Roscor qui, malgré leur envie de la voir porter d'autres vêtements, ne se rendent pas compte, eux, de l'odeur de leurs pieds et de la crasse qui s'accumule sur leurs oreillers lavés une fois par an. A côté, les ronflements passent. Sasha imaginait intégrer une cabine plus féminine, voire une colocation restreinte, à deux ou trois. Non. Elle fait désormais à moitié partie de l'équipage et aucune bonne nouvelle n'arrive à ses oreilles, seulement le ton légèrement sarcastique de Marco qui l'attrape un jour, au petit-déjeuner, alors qu'elle passe le pas du réfectoire trente minutes après le réveil des autres.

— T'es plus une invitée maintenant, alors au boulot, ricane-t-il en lui lançant un morceau de pain plus moelleux qui s'apparente à une brioche. Tu vas au mât d'artimon ce matin.

— Au quoi ? Questionne Sasha, étonnée que le phénix lui dise quoi faire de sa journée qu'elle comptait passer à esquiver le plus de gens possible.

— Au mât d'artimon, le plus petit de tous. Allez oust, t'es en retard !

Sur le Moby Dick, les mousses ne passent pas leur temps à récurer les planches ou à couper les patates à la cuisine. Ils apprennent sur le terrain, à la force de leurs bras crampés, sous leurs courbatures de la veille. Pendant des semaines, Sasha passe ses matinées au mât d'artimon, en apprend les caprices des voiles, le craquement spécifique d'un cordage trop tendu, la dureté d'attacher un nœud alors que le vent souffle. Il lui faut écouter les ordres, comprendre les conseils, répondre aux sollicitations, demander de l'aide. Le premier jour, l'adolescente a débité plus de phrases que dans l'ensemble de son périple. De quoi l'épuiser le soir venu pour recommencer le lendemain : récurer les canons, apprendre à charger un boulet, stocker la poudre, nettoyer un pistolet, le remonter, aiguiser une épée... Elle ne pensait pas un jour pouvoir survivre à autant de sons désagréables et, pourtant, même le réfectoire ne lui donne plus la migraine.

S, comme Shinigami [Ace X OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant