S, comme Shinigami [Ace X OC]

XVII Tu ne tueras point

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           Avec autant de précaution que s'il voulait ne pas casser une porcelaine fragile, Ace hisse Sasha sur son dos. Il glisse ses bras sous ses genoux et se redresse lentement, attendant que sa tête se cale sur son épaule. Il sent son souffle tiède dans sa nuque tandis qu'il avance vers le Moby Dick pour la ramener. La mâchoire serrée, il prend conscience de ce qu'il vient de faire : sans évaluer la situation, sans penser à la deuxième division, sans en avertir leur capitaine, sans imaginer une seule autre solution que courir pour massacrer les ravisseurs de sa partenaire, il s'est précipité dans cette forêt à la seconde où il a entendu Maria dire que Sasha avait été enlevée. Il n'a pensé qu'à elle, pas à l'entièreté de sa famille. Sa question rhétorique n'avait rien d'un reproche, ce n'était que la simple vérité : une conséquence, la conséquence.

Les yeux clos d'une fatigue qui l'écrase, Sasha enfouit son visage dans le cou d'Ace. Elle y respire cette odeur qu'elle connaît désormais si bien : un soleil ardent, rendu humide par la pluie battante. Ces effluves la rassurent, la ramènent à des images nettement plus chaleureuses que ce qu'elle vient de vivre. Mais c'était un jeu dangereux, et tous les deux ont perdu.

Au cœur de cette si belle famille qu'ils ont rejoint, cette étrange relation n'a pas sa place. Pas vraiment amis, pas vraiment amoureux. Un équilibre bancal qui les poussera toujours à prendre des décisions irréfléchies, comme aujourd'hui. Ils s'en rendent compte d'autant plus lorsqu'ils arrivent au pied de leur navire. Leurs adversaires ont mordu la poussière, mais l'équipe médicale s'affère aussi dans leurs rangs. Il faut panser des plaies, retirer une balle logée dans un bras, poser une attelle en attendant les flammes bienfaitrices du phénix.

Ace jure silencieusement. S'il avait laissé Marco retrouver Sasha par les airs et qu'il était resté ici pour combattre, peut-être y aurait-il eu moins de blessés, pense-t-il en tournant sa tête vers la concernée. D'une faible voix presque endormie, elle chuchote à son oreille.

— Finalement, c'était une super mauvaise idée...

— De ? Répond Ace en frôlant leur tempe.

— On est une famille, soupire-t-elle, emportée par la fatigue de cette tension qui redescend. Sa voix termine dans un murmure. Je peux pas te demander... De m'aimer plus que les autres... Eux aussi ont besoin de toi...

Le pirate ne répond rien, car il n'y a rien de plus à ajouter. Il ne doit pas l'aimer plus que les autres. Cette conclusion, aussi juste soit-elle à ses yeux, lui pince le cœur. C'est un peu comme ne plus observer la plus belle fleur d'un jardin ou éviter de contempler l'étoile la plus brillante du ciel. Mais ils forment désormais un tout, une famille, et leurs sentiments réciproques n'ont pas leur place dans ce monde - parfois si violent.

— Amène la à l'infirmerie, j'arrive, lui conseille Marco en passant derrière lui, les quelques blessures sans grande gravité de l'équipage ayant été vite prises en charge.