S, comme Shinigami [Ace X OC]

XXVI L'envie de vivre

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          Le froid fait frissonner sa peau. Allongée à même le sol d'une cellule de prison, Sasha se réveille la joue contre le béton. Elle sent d'abord ses muscles endoloris difficiles à bouger, puis une douleur lancinante dans son cou, à l'endroit où le sang à coaguler pour refermer la plaie qu'elle s'est infligée avec le couteau d'Ace. Sa tête tambourine, lourde de ces heures inconsciente sans une goutte d'eau avalée depuis l'avant-veille. Le son du métal qui râcle le sol n'arrange rien. Avec précaution, elle se redresse, découvrant par la même occasion la paire de menottes en granit marin qui entoure ses poignets. Comme si du fer classique ne permettait pas de la retenir.

Autour d'elle, la cellule résonne du vide. Trois murs - toujours faits de ce matériau redouté des détenteurs d'un fruit du démon - l'entourent tandis que de larges barreaux ferment l'ensemble. Le couloir vide, sans garde, semble continuer sur quelques mètres. Aucun bruit n'éclaire la jeune femme sur de possibles autres prisonniers. Plus loin, elle n'entend que de vagues discussions dont aucune phrase ne se détache, des bottes qui martèlent le sol, quelques éclats de voix, des mouettes qui se disputent un morceau de pain, et les vagues. Toujours les vagues.

Angoissée à l'idée de finir oubliée dans ce sous-sol, Sasha s'apprête à crier un bon coup pour informer de son réveil lorsque son regard tombe sur un journal roulé en boule et coincé entre deux barreaux - de toute évidence laissé là pour elle. Pourtant, ce n'est ni un geste bienveillant, ni un signe de paix, mais plutôt un couteau planté en traître. Car, lorsqu'elle s'approche, grimaçant de son corps meurtri, Sasha ne se doute pas de ce qu'elle va y lire.

"Barbe Blanche et Ace aux poings ardents sont morts à Marineford."

Deux photos illustrent le titre : celle du feu empereur debout, ses plaies béantes dégoulinant de sang ; celle d'un bras sortant de l'eau sur lequel se lit le mythique tatouage du pirate. Morts. Ils sont morts. Les yeux de Sasha tracent des allers retours entre les deux images, frénétiquement. Elle relit en boucle ces mots qu'elle n'imprime pas. Qu'elle ne veut pas comprendre. Son corps réagit avant elle. Ses mains serrent le papier journal, à en blanchir ses phalanges ; ses dents claquent, pinçant au passage sa lèvre qui se met à saigner ; des spasmes prennent ses bras, se diffusent à ses épaules, parcourent son dos et finissent dans ses jambes. Ils. Sont. Morts.

Sasha hurle. Un cri qui alerte les marines aux étages supérieurs. Un son qui ne trouve pas son pareil. Un râle inhumain, aiguë, qui suinte d'une douleur incontrôlable.

Entre ses doigts, le journal finit en charpie tandis qu'elle en jette les morceaux autour d'elle. Impossible de les relire, ces mots qui la poignardent, lui soulèvent l'estomac. Rien n'a de sens. Alors Sasha hurle. Un désespoir qui lui brise la voix en quelques secondes. Sans repère, incapable de se situer dans le temps, la shinigami frappe ses cuisses, puis les chaînes en granit marin, jusqu'à s'en faire saigner les poings. Sa fureur se décuple lorsqu'elle aperçoit des uniformes blancs s'avancer devant sa cellule. Des beuglements inaudibles les accueillent. Ce n'est plus une jeune femme, mais un démon en cage, prêt à sauter à la gorge de quiconque franchira les barrières. La vue troublée par ses larmes, Sasha s'en prend désormais au sol qu'elle martèle, puis se hisse sur ses jambes flageolantes pour s'avancer vers les barreaux. Sa tête vient se cogner dessus. De plus en plus fort. Pour que ces images en sortent, disparaissent à tout jamais de son esprit. Pour que cette brûlure qui consume ses poumons s'apaise. Pour que plus rien n'existe, même pas elle.