Chapitre 11

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Ça faisait déjà presque deux semaines que Jisung travaillait aux côtés de monsieur Chijimatsu. Il allait aux champs presque tous les jours, se levait tôt et portait son fils sur son dos pendant de longues heures. Avec le vieux fermier, il avait cultivé toutes sortes de plantes, accroupi dans la terre. Mais il aimait bien ça. Il pouvait penser à rien, uniquement concentré sur les mouvements de ses mains. Même si ça n'en avait pas l'air, pour lui, c'était reposant.

Jisung s'inclina rapidement devant monsieur Chijimatsu lorsqu'il arriva dans la cour de ce dernier. Le fermier ne prit même pas la peine de le saluer, se contentant de s'installer derrière le volant de son camion rouge. Comme d'habitude, le jeune père partit s'asseoir à l'arrière en serrant son fils endormi contre lui. Et puis, le camion-benne était parti.

C'était toujours ainsi. Au début, Jisung essayait de parler un peu, d'être poli. Mais le vieux Chijimatsu ne répondait jamais. Alors, il s'était tu. Aucun d'eux ne parlait jamais. Jisung ne savait pas où ils allaient, ni ce qu'ils allaient faire. Pourtant, jamais il n'avait manqué une journée de travail. Même sans qu'on lui explique, il reproduisait les gestes du fermier et se débrouillait mieux que lui-même ne l'aurait cru.

Une fois arrivé, le fermier arrêta son véhicule et Jisung sauta de la remorque. Il suivit son propriétaire, trois caisses de pousses de radis entre les bras. Puis, tous deux s'étaient mis au travail. Dans son dos, Sunghan babillait sans discontinuer, s'entraînant à prononcer toutes sortes de sons et de syllabes en mâchouillant ses doigts. Et Jisung travaillait, les mains dans la terre et les cheveux collés de sueur.

Il s'appliquait à enfoncer les pieds de radis dans le sol, rangs après rangs, tout en berçant par moments son fils lorsqu'il criait un peu trop fort. À chaque fois qu'il était concentré dans sa tâche, il ne voyait plus le temps passer. Et quelque part, ça lui faisait un peu peur. Quand il travaillait, les journées passaient à toute vitesse. C'était déstabilisant.

Lorsque la pause de midi arriva, monsieur Chijimatsu se releva en s'appuyant sur ses genoux, et Jisung fit de même. Tous deux clopinèrent jusqu'au camion rouge pour récupérer leurs repas, et le vieux fermier partit s'installer dans l'herbe humide un peu plus loin. Après une rapide réflexion, le noiraud le suivit pour s'asseoir à ses côtés -mais pas trop près non plus.

Le jeune père détacha immédiatement son fils et se dépêcha de lui préparer son biberon que le bébé se fit une joie de boire. Une fois son lait englouti, il donna à son fils quelques cuillères de purée de patate qu'il avait lui-même faite le matin-même. C'est qu'à cet âge là, ça mangeait, hein.

Ce jour-là, même une fois son repas avalé, monsieur Chijimatsu resta assis dans l'herbe, le regard perdu dans le vague. Jisung se dit qu'il devait être de bonne humeur et pris une profonde inspiration, avant de se lancer.

- J'ai trouvé un vélo, dans le jardin. Commença-t-il doucement en berçant dans son fils dans ses bras dans l'espoir de l'endormir. Est-ce que... je peux l'utiliser ?

Ses mots s'évanouirent dans le vent, et aussitôt qu'il eut fermé la bouche, le silence retomba sur le paysage brumeux. Le vieux fermier n'avait pas bougé. Il n'avait eu aucune réaction, comme si il n'avait pas entendu. Jisung l'avait fixé pendant si longtemps qu'il cru bien qu'il ne lui répondrait jamais. Mais alors que le noiraud allait détourner le regard, monsieur Chijimatsu ouvrit la bouche.

- Tout ce qui est dans la propriété est à toi. Lâcha-t-il d'un ton sec, avant de pousser sur ses mains pour se relever. Fais-en ce que tu veux.

Et sur ces mots, il avait regagné le champ en clopinant pour continuer son travail. Jisung s'était immédiatement redressé et avait mis une pomme de terre cuite à la vapeur en entier dans sa bouche tout en rangeant ses affaires. C'est les joues encore pleines qu'il avait raccroché son fils dans son dos, trottinant à moitié vers la rangée qu'il avait abandonné un peu plus tôt. Et c'est ainsi qu'il avait recommencé à travailler, sans un bruit.

𝐄𝐥𝐬𝐞𝐰𝐡𝐞𝐫𝐞 ° Seungsung 🔚Où les histoires vivent. Découvrez maintenant