Deux cousins (Journal intime)

Samedi 27 juin 1964

Cette année-là, trois évènements troublèrent la quiétude de la ville provinciale endormie.

Le premier évènement fut l'Expo 64. Tous les quarts de siècle, les Suisses organisaient une exposition nationale, cela coûtait cher et personne ne savait à quoi cela servait. À cette époque, elle eut du succès car l'on croyait encore au progrès et à l'avenir glorieux de la société de consommation. On y avait même exposé un ordinateur.

Le deuxième évènement fut l'inauguration du nouveau collège de l'Élysée.

Et le troisième évènement fut le retour du cousin de Mathieu en Suisse, il s'appelait Léo. Ce retour n'a pas laissé de trace dans la mémoire collective, c'est pour cela que je vais vous le raconter.

Mathieu était un bel adolescent de seize ans, fils du PDG de l'entreprise familiale spécialisée dans le négoce de céréales. Il habitait une superbe maison de maître entourée d'un grand parc bordé de hautes haies, il voyait le lac Léman et les Alpes depuis sa chambre, et même l'étranger, une petite ville d'eaux.

Le jour où débuta cette histoire marquait le début des grandes vacances d'été. Mathieu avait quitté le collège de l'Élysée à la fin de la matinée et était rentré à pied chez lui. Il était seul. Sa mère était partie avec ses sœurs faire des achats « entre femmes », on n'était pas près de les revoir. Son père faisait des heures supp comme tous les samedis où il n'était pas à l'autre bout du monde, il avait toujours des lettres en retard à dicter à sa jeune secrétaire. Mathieu se demanda où ils baisaient, certainement pas sur la table de réunion, ce devait être dans la chambrette que son père avait fait aménager à côté de son bureau pour les situations de crise.

Mathieu monta dans sa chambre, enleva sa chemise. Il décida de rester torse nu car il faisait très chaud. Il ôta ses pantalons et mit un short. Il descendit ensuite à la cuisine. Le cuisinier avait congé. Mathieu se fit un sandwich au jambon et au gruyère et alla le déguster sur la terrasse. Il prit aussi une pomme et un Rivella.

Mathieu pensa aux vacances. Sa mère lui avait proposé de passer quelques semaines dans une école qui offrait des cours de langues de rattrapage. Il avait un peu de peine avec l'allemand, ce n'était pas catastrophique, il avait la moyenne. Sa mère voulait simplement l'éloigner, afin qu'elle pût batifoler à son aise avec son amant. Du moins c'était ce que pensait l'adolescent, car il n'avait jamais eu la confirmation qu'elle en eût un, ni que son père couchât avec sa secrétaire. Le sexe le travaillait, il n'éprouvait cependant aucune excitation en imaginant un homme et une femme dans un lit.

Mathieu était un enfant sage, il ne pouvait pas refuser une proposition de sa mère. Il avait appris par la suite que ses parents voulaient partir en voyage et le trouvaient encore trop jeune pour rester seul. Il avait reçu un prospectus sur papier glacé et quelques détails l'avaient intéressé et lui avaient fait entrevoir ce séjour sous de meilleurs auspices, en particulier une photo des installations sanitaires collectives, signe d'une certaine promiscuité pas forcément désagréable. Ce serait bien pire à l'armée.

Après ce dîner léger, Mathieu monta dans sa chambre. Les volets étaient fermés et la température plus agréable que dans le reste de la maison. Il enleva son short et se coucha sur son lit, vêtu de son seul slip blanc. Il prit un Alix, se demanda quand sortirait l'épisode où on le verrait à poil en train de branler Enak, et décida d'imaginer lui-même la scène, tout en se caressant.

Mathieu resta endormi une bonne partie de l'après-midi. Il se réveilla lorsque ses sœurs rentrèrent. Il passa à la salle de bain, mit le slip avec lequel il s'était essuyé après avoir éjaculé dans la corbeille de linge sale, pissa et prit un linge qu'il posa sur son épaule. Il descendit, sa mère était couchée dans une chaise longue sur la terrasse, elle lisait un roman de la série Angélique, Marquise des Anges. Elle lui demanda de rester après son bain, elle avait quelque chose à lui dire.