Jeudi 23 Juillet 1964 - Part 1

97 1 0
                                    

C'était le jour où Koen devait faire son exposé sur le pénis. Mathieu et lui avaient été dispensés des activités sportives de l'après-midi, une montée jusqu'à Unterlauchbühl, afin qu'ils pussent se préparer à la salle de bal. L'école était située dans un ancien hôtel et il y avait bien longtemps que personne n'avait plus dansé dans cette salle qui servait d'aula ; difficile d'organiser un bal avec une école n'accueillant que des garçons. Ni Koen ni Mathieu ne savaient danser.

Koen se rendit au secrétariat pour chercher les polycopiés de son exposé qu'il distribuerait aux élèves à la fin.

— Bonjour Mademoiselle Kolb. Comment allez-vous ?

— Bonjour Monsieur Grotelul. Très bien, et vous ? Un peu de trac, je suppose.

— Même pas, je suis incollable sur le sujet et j'avais l'habitude de faire des exposés pendant les fêtes de famille.

— Vous parliez déjà du pénis ?

— Il y avait des jeunes enfants qui auraient pu être troublés. Je parlais plutôt de mes dernières lectures, par exemple En quoi l'homme de génie diffère-t-il de l'apôtre ?, de Søren Kierkegaard.

— Ce devait être passionnant, en effet. On peut se tutoyer, Herr Professor Grotelul. J'ai ronéotypé quelques exemplaires supplémentaires. Il pourrait y avoir des invités.

— Qui donc ?

— Ben... moi, si tu me permets. Tu sais que je veux devenir infirmière et je dois bien connaître les organes génitaux masculins.

— J'ai fait la connaissance d'une infirmière le week-end passé. Tu pourrais peut-être faire un stage chez elle, ce serait plus utile que la dactylographie.

— Bonne idée, tu me donneras son adresse, mais je devrai aussi taper des rapports. Et c'est surtout pour être plus près de Laurent, j'ai le droit de dormir ici à l'école avec lui.

— Tu n'es pas peureuse, seule fille avec tous ces garçons en manque.

— En manque ? La plupart sont des homos et ceux qui ne le sont pas sont des onanistes impénitents. Je suis protégée par mon cousin Franz, un ancien roi de la lutte, il en impose. Il y a aussi l'apprenti cuisinier, Stefan, qui aimerait assister à ta conférence.

— Il est homosexuel ?

— Je ne lui ai pas demandé, fit Vreni en riant. Et il va encore arriver quelqu'un d'autre en fin de journée, Franz m'a prié de ne pas te dire son nom.

Koen et Mathieu firent une répétition générale. Mathieu assistait Koen, il projetait les photos des bouquins avec l'épiscope. Koen n'était pas satisfait à la fin de son exposé.

— C'est trop théorique, dit-il. Il faudrait que je montre ensuite les organes génitaux urinaires dans la réalité, sur un volontaire.

— Tu penses que c'est vraiment nécessaire, alors qu'on se voit à poil tout le temps ?

— Il y aura Stefan qui n'a peut-être jamais vu de pénis autre que le sien, et je pourrais aussi expliquer ma méthode pour les examens que j'envisage de faire sur nos camarades.

— Bon, si tu trouves un volontaire...

— Toi, tu seras volontaire s'il n'y en a pas d'autres.

Koen commença son exposé ponctuellement à 20 heures. Il avait mis un veston et une cravate, provoquant quelques ricanements parmi les élèves. Le visiteur inconnu était un homme d'une quarantaine d'années, assez maigre, des cheveux noirs, coupés courts, en bras de chemise, assis au dernier rang.

Deux cousins (Journal intime)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant