Dimanche 28 juin 1964 - Part 1

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Le lendemain matin, Mathieu alla chercher son cousin à l'aéroport.

L'ambassadeur avaient envoyé un télégramme depuis New-York : le vol Swissair avait décollé à l'heure prévue et n'aurait pas de retard à Genève. La mère de Mathieu avait préféré se rendre au temple avec ses filles, Mathieu était content d'échapper à cette corvée dominicale. Il monta dans la Mercedes conduite par leur chauffeur Urbain. La nouvelle autoroute était vide et ils arrivèrent à l'aéroport avec une heure d'avance. Mathieu monta sur la terrasse pour voir l'avion de son cousin atterrir, c'était un DC-8-53. Il n'avait jamais pris l'avion. Son père, qui voyageait tout le reste de l'année, avait préféré passer les vacances en famille, dans leur chalet, à la montagne.

Mathieu se rendit dans la zone d'arrivée. Une centaine de personnes sortirent de la douane, il ne vit pas son cousin. Il trouva cette absence bizarre et se demanda ce qui s'était passé, il allait se rendre vers une cabine téléphonique pour appeler son père, lorsqu'on le héla :

— Attends-moi, Mathieu, je suis là !

Il se retourna et fut surpris.

— C'est toi ? Léo ?

— Tu ne me reconnais pas ?

— Euh, oui.

Ils hésitèrent. Allaient-ils se faire la bise, comme lorsqu'ils étaient enfants ? Ils se serrèrent seulement la main.

— Tu as changé, dit Mathieu.

Le cousin avait en effet grandi, il dépassait même de peu Mathieu. Il avait maigri, ses cheveux blonds étaient plus longs. Mathieu dut se rendre à l'évidence : son cousin n'était plus un enfant disgracieux, il était beau, très beau. Il n'avait aucun bouton d'acné. On voyait cependant qu'il ne devait pas être très en forme, il était pâle. Ou était-ce seulement la fatigue du voyage ?

— Excuse-moi du retard, dit Léo, ils m'ont retenu à la douane. Il se sont excusés lorsque je leur ai montré mon passeport diplomatique.

— Ce n'est pas grave. Tu as fait un bon vol ?

— Excellent, le service en première classe était parfait.

Urbain les avait rejoints, il porta les valises de Léo. Ils montèrent dans la voiture et prirent la route pour Lausanne.

— Que penses-tu de notre nouvelle autoroute ? demanda Mathieu.

Léo éclata de rire.

— Deux pistes ? Aux États-Unis ce serait un chemin forestier.

Mathieu pensa que son cousin était toujours aussi prétentieux, mais celui-ci s'excusa :

— Je dois m'habituer, la Suisse est nouvelle pour moi. Je ne devrais pas faire des comparaisons. Tu me remettras à l'ordre si j'oublie.

Ils restèrent silencieux. Léo regardait le paysage par la fenêtre, le vignoble de la Côte. Mathieu était troublé par son cousin qui avait tant changé depuis leur dernière rencontre. L'autoroute était plus fréquentée dans ce sens, les visiteurs qui se rendaient à l'Expo.

Mathieu avait envie de demander à Léo de quelle maladie il souffrait, il n'osa pas car sa mère le lui avait interdit. Il aborda la question autrement :

— Maman m'a dit que tu séjourneras à la clinique Beaumont.

— C'est au-dessus de Montreux, je crois. Et toi, où vas-tu en vacances ?

— Ce seront des vacances studieuses pour apprendre l'allemand, à l'école Hinterhoden, située à Grindelwald.

— Asthénie, fit Léo quelques instants plus tard. Je suis très fatigué certains jours, sans en connaître la cause. Aujourd'hui, ça va. L'air de Suisse me fait déjà du bien. Ne t'inquiète pas, je n'ai pas besoin d'égards particuliers. Nous ne devrons pas rester à la maison tout le temps, je me réjouis de visiter l'Expo.

— Et à la piscine, tu peux y aller ? Nous avons bien un étang dans le parc, mais on ne peut pas nager.

— Pas de souci, j'ai pris mon slip de bain.

« Parfait », pensa Mathieu, « il faut se changer pour mettre le slip de bain, et les vestiaires n'ont pas de cabines ». Pourquoi était-il soudain obnubilé par la queue de son cousin ? Il devait vraiment être une « pédale », ou plutôt un homosexuel. Il décida de ne plus jamais utiliser des mots insultants.

Ils arrivèrent à Lausanne vers onze heures. Léo salua la famille : son oncle Charles, sa tante Anne, et ses cousines jumelles, Marie et Michèle.

— Tu as grandi, fit remarquer Anne. Tu es... un bel adolescent maintenant.

— Il paraît, dit Léo en riant, il y a longtemps que nous ne nous étions pas revus. Mathieu a aussi été surpris.

— En tout cas, bienvenue chez nous, dit Charles. Fais comme chez toi, tu fais partie de la famille. Nous savons que ce n'est pas facile pour toi de te retrouver ici, seul, même si c'est ta patrie.

— Et n'hésite pas à nous dire s'il te manque quelque chose, ajouta la mère. Je vais te montrer ta chambre, tu pourras te rafraîchir avant le dîner, je pense que tu n'as pas pris de douche dans l'avion.

— Il n'y en a pas encore, ça viendra dans le futur, quand nous traverserons l'Atlantique en une heure.

— Ce ne sera plus nécessaire de se doucher si c'est si court, rétorqua Michèle.

— Tu as raison, fit sa mère. Nous dînons dehors, sur la terrasse, un repas léger : des salades et des grillades. Tu peux mettre des shorts si tu le désires. Ce soir, ton oncle nous invite au restaurant, dans une pizzeria, « Chez Mario », ce sera donc une tenue sportive. J'espère que tu aimes les pizzas ? Tes cousines en raffolent.

— Bien sûr, répondit Léo.

— Elles sont différentes qu'en Amérique, dit le père, moins épaisses. Et les steaks seront aussi beaucoup plus petits.

— Cela ne fait rien, je mange moins, j'ai maigri. Même trop, m'a dit le médecin de l'ambassade. Ce doit être à cause de ma maladie.

— Tu as quoi ? demanda Marie.

— Voyons, fit sa mère. C'est malpoli de demander cela à quelqu'un.

— Si je le savais exactement, répondit Léo, je te le dirais. Je ne vais pas faire de cachotteries alors que vous m'accueillez si chaleureusement. On verra le résultat des examens médicaux.

Anne mena Léo à sa chambre, elle était au premier étage et avait un balcon. L'ameublement était moderne, dans le style « Bauhaus ».

— C'est magnifique, dit Léo.

— Oui, ton oncle est passionné par l'architecture d'intérieur, chaque chambre a un style différent. Si tu restais plus longtemps, nous t'en aurions donné une autre au deuxième étage, avec les enfants, enfin, les grands enfants maintenant.

Léo regretta, il aurait préféré être plus proche de son cousin. Anne ajouta :

— Je peux te demander quelque chose ? Il y a un bassin dans le jardin et tu pourras aussi te baigner, Mathieu y va souvent. Lui, il est à poil. J'aimerais bien que tu mettes un maillot de bain ; pour moi c'est bien égal, j'ai déjà vu des hommes nus, c'est à cause de tes cousines. Elles pourraient être trop curieuses au sujet de ton zizi, tu me comprends ? Elles ont déjà pu voir celui de leur frère, toi, c'est différent, tu n'es pas de la famille.

— Oui, je te comprends. Je ne me promènerai pas nu dans la maison. Est-ce que je peux aller en caleçon à la salle de bain ?

— Oui, pas de souci, c'est juste de l'autre côté du couloir. Ne sois pas étonné si elle est occupée, ton cousin l'utilise aussi et laisse celle du deuxième étage à ses sœurs. Nous avons la nôtre à côté de notre chambre. Tu n'as qu'à mettre ton linge sale dans la corbeille. La femme de ménage le lave tous les jours.

Anne laissa Léo seul. Il se déshabilla, il était content d'enlever enfin ses habits poisseux et se rendit à la salle de bain pour se doucher. En ressortant, il croisa Mathieu.

— Oh, fit celui-ci, excuse-moi, je venais me laver les mains, j'avais oublié que je dois partager ma salle de bain avec toi.

— Ne t'excuse pas, dit Léo en souriant.

Ce n'était pas un hasard, Mathieu avait espéré voir son cousin nu et avait attendu qu'il sorte. Mathieu essaya d'évaluer la grosseur de la bosse du slip Jockey. Elle lui sembla plus grosse que la sienne, ce qui le rendit jaloux. 

Deux cousins (Journal intime)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant