Vendredi 24 Juillet 1964 - Part 3

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Ils arrivèrent à Kesswil vers 22 heures, le soleil venait de se coucher. La maison Graf & de Bruson se situait au bord du lac, elle avait une petite plage et un port privés. Elle était en béton avec de larges baies vitrées, sur deux étages. La lumière extérieure s'alluma lorsque le professeur gara sa BMW. Un homme vint à leur rencontre. Il était dans la trentaine, musclé, cheveux courts, vêtu d'un tee-shirt et de shorts blancs.

— Bonsoir Monsieur le professeur, dit l'homme. Vous avez fait bon voyage ?

— Excellent. J'étais en très bonne compagnie.

— En effet. Quatre éphèbes rien que pour vous.

— Je vous présente Martin, comment dire... c'est l'homme à tout faire de mes amis Graf & de Bruson.

— Je suis le majordome, je suis aussi leur masseur et entraîneur sportif. Vous pouvez vous adresser à moi si vous avez un problème pendant le séjour. Vos hôtes sont à Bregenz pour la générale du festival d'opéra et m'ont prié de vous accueillir.

— À Bregenz ? Que donne-t-on cette année ? s'enquit Mathieu.

— Das Land der Lächelns (Le pays du sourire), de Franz Lehar. Ils sont invités car ce sont des mécènes. La première est demain, ils n'aiment pas ces soirées mondaines où il faut porter un smoking. Ici, les tenues sont plus décontractées, chacun met ce qu'il veut. Pourriez-vous vous présenter que je sache à qui j'ai affaire ?

— Je suis Peter, je viens pour chanter.

— Très bien, vous pourrez répéter avec le pianiste Alexandre dans l'après-midi.

— Je m'appelle Stefan, je suis là pour préparer les desserts.

— Exact, vous aurez du travail demain, le cuisinier ira avec vous faire les courses le matin, vous pourrez vous reposer dimanche.

— Et moi je suis Koen. Je pourrais faire une conférence sur le pénis.

— Ce serait intéressant, mais ne pense pas que nous aurons le temps.

— Alors je ne sais pas pourquoi je suis invité.

— Cela ne fait rien, vous pourrez-vous détendre et je me ferai un plaisir de vous masser.

— Mathieu, j'espère avoir l'occasion de parler aux architectes qui connaissent mon père.

— Certainement, je leur dirai. Monsieur le professeur, voulez-vous dormir dans une chambre ou plutôt au Sensorium avec ces jeunes gens ?

— Au Sensorium, cela me rajeunira.

— Vous n'êtes pas si âgé que ça et nous n'avons pas invité Méphistophélès. Le Sensorium est un projet de Graf & de Bruson afin d'accueillir leurs invités, expliqua Martin. Nous ne sommes pas un hôtel et il y a toujours beaucoup de monde aux soirées. L'idée était de prolonger l'ambiance conviviale durant la nuit. En contraste avec la maison de béton, où la lumière est intense, le Sensorium est un endroit plus intime, avec le bois pour donner une atmosphère chaleureuse.

— Est-ce l'un des architectes qui a conçu la maison et l'autre le Sensorium ? demanda Mathieu.

— Toutes leurs créations se font en commun, ils ne disent jamais qui a dessiné quoi. Au cas où vous ne l'auriez pas deviné, ils vivent en couple et sont ouvertement homosexuels. Suivez-moi. Je vous porte votre valise, Monsieur le professeur ?

— Non, ce ne sera pas nécessaire.

Le Sensorium était à une cinquantaine de mètres la maison, un couloir souterrain les reliait en cas de mauvais temps. La partie principale du bâtiment était une grande pièce elliptique, avec des matelas sur toute la surface, recouverts de draps, couvertures, duvets et oreillers aux couleurs de l'arc-en-ciel. La lumière indirecte éclairait la charpente de bois.

Deux cousins (Journal intime)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant