Jeudi 6 Août 1964

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Le lendemain, après une branlette matinale et le petit déjeuner, les quatre amis avaient fait une randonnée jusqu'à la Croix de Cœur et Savoleyres où ils avaient dîné. Le temps était plus clément que la veille, mais pas trop chaud, la température idéale pour marcher. Dominique avait ensuite déposé Koen et Mathieu à la gare de Montreux et ils étaient rentrés à Grindelwald en train.

Quelques jours plus tard, Mathieu et Koen étaient invités chez Stefan pour le souper. Ils passeraient la nuit dans la ferme pour profiter plus longtemps de la soirée, sans être dépendants du dernier train. Ils avaient emprunté des sacs de couchage à l'école pour dormir sur la paille.

Stefan travaillait ce jour-là. Ils prirent le train vers 17 heures, Mathieu avait acheté une boîte de fondants pour la mère et Koen des tulipes importées des Pays-Bas. Ils attendirent Peter à la gare de Zweilütschinen, celui-ci fit une accolade virile à Stefan plutôt qu'un doux baiser. Il ne fallait pas attirer l'attention car il y avait beaucoup de villageois qui rentraient du travail avec le même train.

Ils marchèrent jusqu'à la ferme. Stefan présenta Peter à ses parents, il y avait aussi son frère, Klaus, avec sa fiancée Dagmar. Ils firent le tour du propriétaire, ce fut surtout Peter qui discuta avec le père d'agriculture, Mathieu s'intéressa à l'architecture, la maison était ancienne, elle avait été bâtie en 1821, Koen se demandait s'il pourrait voir Klaus à poil, c'était plutôt mal parti s'il dormait avec sa fiancée.

Ils prirent ensuite l'apéritif dehors, un Schafiser blanc des bords du lac de Bienne, accompagné de croissants au jambon. Ils passèrent ensuite à table assez tôt, comme c'est l'habitude en Suisse. Ils mangèrent à la cuisine, une grande pièce avec un poêle en faïence et un potager à bois. La maison n'avait pas de chauffage central. (NDA Potager : helvétisme pour fourneau de cuisine)

Le repas commença par un potage au cerfeuil, recette vaudoise en l'honneur de Mathieu, puis la mère avait préparé des röstis à la bernoise, au lard, accompagnés de boudin et de compote de pommes. Peter avait apporté du fromage et le dessert était un soufflé aux poires.

Ils ne s'étaient pas beaucoup parlé pendant le repas. Le père avait ouvert plusieurs bouteilles de vin rouge, de la même région que le blanc. Les langues se délièrent en buvant le café pomme. Mathieu dit :

— Merci Madame Kaiser, c'était excellent.

— J'espère que vous avez eu assez, sinon j'ai encore des meringues.

— C'était parfait, fit Koen.

— Je peux vous demander quelque chose ? dit la mère.

— Bien sûr.

— Excusez ma curiosité, mais il y a des bruits qui courent dans la région au sujet de l'école que vous fréquentez. Il paraîtrait que... Je n'ai pas osé demander à mon fils pour ne pas le mettre dans l'embarras, il n'a pas beaucoup de contact avec les élèves et c'est son employeur.

La mère hésita. Mathieu lui dit de continuer, il n'y avait rien à cacher.

— On dit que l'école serait réservée... aux garçons qui aiment les garçons, si vous voyez ce que je veux dire.

— C'est faux, répondit Mathieu, elle est ouverte à tous, d'ailleurs la sœur de Peter, Vreni, est amoureuse d'un garçon de l'école, Laurent.

— Je confirme, dit Peter, Laurent n'est pas homosexuel.

— Dans ce cas ce ne sont que des ragots, dit la mère.

— Il n'y a pas de fumée sans feu, dit Klaus. Y a-t-il aussi des homosexuels ?

— Oui, dit Koen, Mathieu et moi par exemple.

Mathieu soupira, se dit que cela aurait pu être pire, Koen aurait pu expliquer que Stefan et Peter l'étaient.

Deux cousins (Journal intime)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant