Mardi 7 juillet 1964

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Mon cher Mathieu,

J'ai bien reçu ta première lettre dans laquelle tu me décris le déroulement d'une journée dans ton école. Tu ne vas pas t'ennuyer comme moi ici...

Tu dois savoir ce que signifie FKK maintenant, j'ai demandé ce que c'était à une dame allemande qui est à ma table et je t'imagine à poil en train de faire ta gymnastique ; ce n'est pas très différent de la natation que j'avais à l'YMCA. Idées à la mode, il y a un nouveau mouvement au States, je ne sais pas si tu connais : les hippies, amour libre, même entre personnes du même sexe, ça te plairait...

Je pense que ton école a des idées très modernes, avec ces « Activités en chambre », entre garçons... Tu es sûr que ce n'est pas la fondation de ton père qui la finance pour les jeunes qui ont des difficultés avec leur famille pour cause d'homosexualité ? Si c'est bien le cas, ce sera le paradis pour toi. Cela m'a rappelé un bouquin que j'ai lu concernant l'école de Summerhill, la sexualité y est aussi très libre, mais c'est mixte, les filles et les garçons se douchent et couchent ensemble.

Hier, j'ai fait la connaissance du dermatologue et de l'urologue. Je ne te raconte pas comment ça s'est passé, ce n'est pas nécessaire puisque tu y es allé vendredi. Aujourd'hui, j'ai passé un ECG. Rien à signaler.

Mais je pense que ce qui t'intéresse le plus, c'est mon infirmière Dominique. J'ai beaucoup réfléchi, s'il se passait quelque chose entre nous et qu'elle était vraiment un homme, je l'accepterais. Et je pense même que ça m'arrangerait, je n'aurais plus besoin de me demander sans cesse quelle est mon orientation sexuelle. J'aimerais simplement une personne et ce seraient les sentiments que j'éprouve pour elle qui seraient les plus importants, et pas de savoir si elle a un pénis entre les jambes ou un vagin. Demain, j'irai pour la première fois chez le psy, je ne vais pas lui raconter ça tout de suite, cela ne le regarde pas.

Et puis, tu dois savoir que je ne suis pas allergique aux organes masculins après mon séjour au camp avec l'Islandais. À propos, je viens de recevoir une lettre de mes parents. Jo habite en Suisse à présent, le monde est petit. Il faudra que je reprenne contact avec lui et que je te le présente.

Je me suis réveillé juste avant six heures, déjà l'habitude. On a frappé, j'ai été étonné et j'ai crié d'entrer. C'était Dominique, je ne l'avais pas revue depuis vendredi. Elle m'a dit :

— Bonjour Monsieur Deblüe, bien dormi ?

Elle a ouvert les rideaux, je lui ai répondu :

— Bonjour Madame... Euh, j'ai oublié votre nom.

— Nusslé, mais vous pouvez m'appeler Dominique.

— OK, si vous m'appelez Léo.

— Oui, je pense que c'est possible, même si nous n'avons pas le droit, à part les enfants.

— Je suis un grand enfant. Vous avez frappé avant d'entrer, ce matin ? Je croyais que vous ne le faisiez pas.

— Je me méfie, vendredi, je vous ai dérangés dans une situation assez délicate avec votre cousin, je m'en excuse à nouveau.

— Vous ne pouviez pas savoir que nous étions en train de faire le prélèvement de sperme.

— Oui, j'aurais dû m'en douter, je vous assure que j'avais oublié.

Je lui ai dit que l'incident était clos et que nous n'avions pas été traumatisés, que nous allions encore souvent montrer nos queues dans notre vie. Elle a dit :

— En effet, et tout de suite, si vous êtes d'accord, je suis venue pour les exercices.

— Je m'en doutais. Je dois encore aller uriner avant.

Deux cousins (Journal intime)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant