Lundi 6 juillet 1964

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Salut Léo,

Premier soir à l'école de Hinterhoden. Il n'y a pas d'activités culturelles prévues, beaucoup sont fatigués après avoir fait un long voyage. J'en profite pour t'écrire, assis sur un banc dans le jardin. Mon voyage n'a pas été trop long et j'ai eu une intéressante discussion avec Urbain. Il m'a parlé de sa jeunesse, je te raconterai une autre fois.

À l'école, j'ai tout de suite fait connaissance avec Koen, mon compagnon de chambre ; il est très sympa, son zizi aussi : crois-moi ou pas, il l'exhibait déjà cinq minutes après mon arrivée. Ce qui ne signifie pas qu'il soit homo, c'était pour se laver. Il m'a quand même reluqué pendant que je faisais mon pisson, c'est bon signe !

Le fils de la patronne, Franz (un ancien champion de lutte à la culotte, paraît-il), nous a précisé qu'on devait être nus pour aller nous laver. Comme ça, il peut nous mater (non, il ne l'a pas dit). Je me demande si un champion de lutte suisse peut être homosexuel. C'est un sport pour les Suisses primitifs, tu gagnes une vache comme premier prix. La lutte à la culotte n'est pas en caleçon, non, c'est une culotte en toile de lin qui se met sur les pantalons.

On verra bien si Franz nous fait des avances, je me réjouis de découvrir s'il se déshabillera aussi pour la gym à poil le matin. Il doit avoir une belle grosse queue bien noueuse, comparée aux nôtres d'ados chétifs. J'espère que l'air de la montagne est bénéfique pour le développement pénien. Et on aura quarante-cinq minutes d'exercices masturbatoires chaque soir, ça ne va pas être facile de bander si longtemps. J'espère que ce n'est pas la directrice qui viendra contrôler, ce serait la débandade immédiate. Je pense que c'est une lesbienne, elle n'est même pas venue nous voir sous la douche à dix-huit heures.

Je m'égare. Après le discours de bienvenue de Frau von Känel, nous avons eu la visite médicale. Tu dois en avoir assez pour ton compte, je te la raconte quand même, c'était plutôt drôle.

Nous étions cinq élèves (les autres l'avaient eue le matin), avec Franz, nous avons marché pendant un quart d'heure jusqu'à la maison du Dr. med. Müller (non, ce n'est pas celui de Tintin). Sa femme, qui est aussi son assistante, nous a fait passer à la salle d'attente, salle très grande, au moins dix chaises. Je crois qu'ici on ne prend pas de rendez-vous, on vient chez le médecin le matin et on y passe la journée. Il y avait encore un couple âgé, accompagné de leur chien, un saint-bernard (le médecin fait peut-être aussi le véto), et une jeune fille. Moi, ça ne me dérangeait pas trop la jeune fille, d'autres un peu plus, car la femme du médecin nous a dit, en faisant l'effort de parler le bon allemand :

— Je vous prie de vous déshabiller ici, ça ira plus vite vers le docteur.

Elle s'est tournée vers les autres patients et leur a demandé :

— J'espère que cela ne vous dérange pas ?

La femme a répondu en dialecte (Franz nous a traduit après) :

— Vous savez, moi j'ai eu trois fils et nous n'avons pas de salle de bain, ils se lavaient à la cuisine dans une bassine, alors j'ai vu leur zizis grossir. Je sais ce que c'est, ils étaient même plus gros que celui de mon mari, et il ne bande plus à son âge.

Le mari a soupiré et levé les yeux au ciel, implorait-il le bon Dieu afin qu'il lui redonne de la vigueur ou pour qu'il le débarrasse de sa femme ? La jeune fille a rougi et n'a rien dit.

Nous hésitions, nous avions peur de ne pas bien avoir compris, Franz nous a alors répété, en parlant très distinctement et lentement, que nous devions enlever nos habits et que nous passerions tous ensemble chez le médecin. Koen a montré l'exemple et nous l'avons imité. Hiroshi a demandé si on devait enlever nos slips. Franz a répondu que c'était mieux, pas à cause de la jeune fille, et qu'on pourrait les enlever chez le médecin. La dame a répété que cela ne la dérangeait pas, la jeune fille a murmuré, en rougissant toujours :

Deux cousins (Journal intime)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant