Chapitre 30-Un doux réveil et un nouveau personnage

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      J'ouvris doucement les yeux et fus aveuglé par une lumière blanche. Une lampe fixée à une bâche semblait-il. Il me fallut quelques secondes pour retrouver l'usage de la vue. Je tournai la tête et je vis que je me trouvais dans une infirmerie à côté de Tiago. Pourtant je remarquai que ce n'était pas l''infirmerie officielle car nous n'étions que deux et la tente où nous étions était gardée par quelques solides gaillards. Le médecin vint me voir et me demanda si tout allait bien. Je répondis par l'affirmative. Tiago n'était pas encore réveillé. Cependant il le fut vite à cause de l'entrée fracassante du colonel :

      « Que vous est-il arrivé ?! »

      Je lui racontai tout: depuis le mécanisme dans le canon qui s'était enclenché jusqu'à maintenant. Je lui parlai de tout sauf de la révélation que nous avez faite les géants. Étienne écouta attentivement et me demanda par-ci par-là les détails. A la fin de mon récit, il s'exclama :

      « C'est un problème de sécurité ! Je vais boucher de ce pas l'entrée et les géants resteront dans leur monde, sous-terre, où il ne pourront pas nous déranger. Quand même, vous avez de nouveau fait preuve de beaucoup de courage et je vous en félicite. »

      Encore une fois, l'affaire semblait derrière nous. Je l'aurais pensé réglée si je n'avais pas aperçu le petit regard méfiant que le colonel me lança à un moment. Il paraissait se douter que je lui cachais quelque chose. Ce que j'avais appris sous terre était capital mais d'instinct je me dis que ce n'était pas le bon moment pour prévenir tout le monde qu'un autre ennemi s'emparerait de la victoire d'un des camps. Le colonel me conseilla de me reposer encore un peu, je n'eus ainsi pas la force de résister à cette proposition tant mon désir de faire une sieste était fort. Je m'endormis.

      (changement de narrateur)

      Je fus soulagé que le gamin n'ait pas découvert la vérité quand il s'en ait allé chez les géants. En effet, je pense que le colonel se serait chargé de le faire taire si ça avait été le cas. De façon indélicate il l'aurait fait j'imagine. Il avait encore besoin du Pissotroum, c'est pour ça qu'il sauve sa vie de temps en temps. Ce prétendu élu est un symbole de magie pour pousser en avant les troupes. Même si je suis un soldat de « Affronter le tableau », il ne me fait aucun effet. Je suis un garde, je suis supérieur à lui. J'ai même à présent le rôle de le garder à l'infirmerie. Ce n'est qu'un enfant, comment pourrait-il changer les choses ? Ça fait 10 ans que je suis au service du colonel Étienne et rien n'a changé, rien n'a bouleversé les plans des Créateurs. Dans chaque monde où existe l'art, ils voient une porte vers la conquête. Ils peuvent faire changer les idées, l'opinion publique aussi facilement que je réussirai à lancer un dé. Je les ai toujours haï mais je suis trop lâche, ils me tiennent par les couilles. Effectivement ma famille et mes amis vivent heureux dans un seul tableau que les Créateurs peuvent détruire à tout moment. Je ne suis qu'une loque indigne de vivre, malgré ma haute stature je ne suis qu'un pion dans les projets des méchants. Je m'appelle Aidu et je suis un garde fidèle à Etienne, certes par peur de perdre mes proches mais bon, je n'y pouvais rien. Si ce n'était que lui qui était un Créateur, j'aurais pu agir mais malheureusement il y en avait  six autres. J'ignore leur nom mais je sais qu'ils sont tous aussi sans pitié les uns que les autres. Ne croyez pas que je sois sans ambition, je suis seulement désemparé et écartelé de l'intérieur. Je fus tiré de mes réflexions par l'arrivée d'une étonnante tortue. Celle-ci était aussi grande que moi et tenait sur deux pattes. Impressionné par la forte stature de l'animal, je me mis aussitôt en position de défense. Je ne pus réprimé mon étonnement quand la tortue se mit à parler :

      « Bonjour je suis Jack, je suis venu voir si le gamin va bien. »

      Pourtant, après quelques secondes, je repris contenance et avec une expression autoritaire, que je me devais de prendre en tant que garde, je dis :

      « Le fait que vous vous appelez Jack ne me permet pas de savoir qui vous êtes.

      -A la base j'étais un mercenaire n'ayant pour idole que l'argent. Je suis tortue car j'ai vécu dans les égouts de Maltaisoua, mon pays. Puis mon destin rencontra celui du jeune garçon qui dort alors dans cette tente, je l'abandonnai et volai son arme. Je revendis celle-ci à l'ennemi, Obnut puis je travaillai à son service car il me payait grassement. A ce moment-là, je vivais la vie de rêve. Jusqu'au jour où Obnut eut la mauvaise idée de raser mon village natal pour je ne sais quelle raison obscure, tuant ma famille et mes amis. Ah le scélérat! J'en ai encore des cauchemars. Mon chagrin fit place à la haine et je partis au combat contre Obnut. Depuis on me voit comme un héros et,maintenant, j'ai compris que l'argent n'avait aucune valeur durable. Ici on se bat pour l'avenir de sa famille et l'amour de son peuple. C'est en raison de ces bons sentiments que je vais voir si le garçon va bien. »

      Jamais aucun intrus ayant de mauvaises intentions n'avait fait preuve d'autant de sincérité. Il me fallait en revanche rester sur mes gardes au cas où la tortue m'aurait raconter un gros mensonge. Je lui répondis que le garçon allait bien. Il me lança un regard courroucé signifiant qu'il voulait le voir en chair et en os plutôt que la simple confirmation orale. Il m'expliqua alors :

      « Écoutez, il faut que je lui parle. Je me suis fixé la mission de reprendre le katana magique pour que les péchés de ma vie d'avant, en tant que mercenaire, n'aient pas de plus grosses conséquences, qui me vaudraient sûrement une des pires prisons des Enfers à ma mort. Il faut qu'il me pardonne pour qu'on m'accorde la permission de sortir en mission.

     -Pourquoi vous ne demandez pas une autorisation de sortie pour accomplir votre devoir tout simplement? 

     -Je ne voudrais pas causer de malheur en m'échappant avec le cœur gros et mes péchés d'avant non absouts. A présent, j'ai choisi la voie de la raison alors je la suis tout droit.

      -Je comprends... »

      Je réalisai alors que le katana magique (j'en connaissais la réputation) pouvait me donner le pouvoir de ne plus être impuissant face aux Créateurs. J'avoue, je pensai ça de façon complètement déraisonnable. Mes actions ensuite le furent encore plus et je sentis que j'allais regretter ces mots même s'il finissait par exprimer tout ce que j'avais refoulé depuis 10 ans :

     « Dites, Jack, ça vous dirait d'aller voler le katana magique avec moi, après vous être fait pardonner par le garçon? Je peux vous accorder l'immunité quant à votre liberté de sortie.

      -Mais vous êtes sûr que cela n'entraînera pas des malheurs du côté de l'administration, de la police et tout ? »

      Je pensai au colonel et à ses disciples, et je répondis :

      « Absolument certain !

      -Super ! Dans ce cas-là, commençons à nous tutoyer. Tape m'en cinq ! »

      Et c'est ainsi que nous partîmes tous deux le cœur léger, le sourire aux lèvres; lui en pensant à ses péchés pardonnés et moi en pensant à mon destin fatal qui changerait enfin. Nous avions tous les deux le pressentiment que nous serions libérés de nos chaînes, en paix avec nous-même grâce à l'accomplissement de cette mission.


VS le tableauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant