VS le tableau

Chapitre 45-Un beau coucher de soleil mais...

      Je n'en revenais toujours pas. J'avais vaincu Obnut, et ainsi éliminé le Sentiment. Je me sentais léger, léger, libéré de cet horrible poids. J'allais,dès à présent, couler des jours heureux avec ma douce. Mais avant, il fallait penser aux morts. Chacun de nos soldats morts fut enterré, sur le champ de bataille même, avec un drapeau bleu azur pour marquer l'emplacement de leur tombe. Un cercueil fut construit en quelques heures, en l'honneur de la personne la plus importante morte aujourd'hui. Elle avait été fantastique, à tous points de vue. On lui devait une partie de la victoire, surtout grâce à ses nombreux bleuets. Même si j'avais eu une relation compliquée avec elle, je l'aimais bien et j'étais triste que Chiara soit morte aujourd'hui. Jack et Aidu versait de chaudes larmes avec moi. Et bien sûr, les bleuets pleuraient un torrent. Il y avait réellement une quantité d'eau stratosphérique ! Son cercueil était cerclé de fleurs roses et grises, symbolisant sa grâce même. J'avais tellement de souvenirs qui remontaient. En fait, je ne m'en étais pas rendu compte mais Chiara avait toujours été là durant mon aventure. Elle avait fait le personnage secondaire par excellence, ex-femme d'Obnut, amante d'Étienne, membre à part entière des Créateurs et puis surtout elle avait été mon alliée. Et je ne l'oublierai jamais. Repose en paix, Chiara. Je jetais mon bouquet de fleurs bleues sur sa sépulture. J'avais cueilli les fleurs juste après la bataille, en sa mémoire. On recouvrit de terre son cercueil noir, placé là, au milieu de champ de bataille, dans un trou béant. Je ne pus alors réprimer un long soupir.

      Louane me prit par la main, et m'invita à la suivre :

      « Tu peux sécher tes larmes maintenant, beau gosse. Je t'emmène voir un endroit merveilleux.

      -Tu m'autorises à ne plus être triste ?

      -Ha ha très drôle ça. Allez viens.

      -J'arrive, j'arrive. »

      Je contemplai une dernière fois la terre foulée par les nombreux soldats, la forteresse au loin. Avec mélancolie, je détachai mon regard de ce spectacle silencieux.

      Puis j'emboîtai le pas de Louane. On grimpa une petite colline. Agile comme elle l'est, elle sauta dans un grand hêtre. Je fis de même. Et là, je vis quelque chose à couper le souffle. Réellement. J'en perdis mon latin.

      « Louane, woaw c'est...c'est vraiment »

      Elle me fit taire par un doux baiser. Ses lèvres rencontrèrent les miennes, tandis que derrière, le soleil se couchait en projetant des éclats orangés sur tout le paysage environnant. C'était si romantique... J'aurai pu rester là toute la vie. Louane détacha sa bouche de la mienne. J'avais encore les yeux fermés, enivré par son agréable odeur. Elle réussissait toujours à sentir bon, en fait ! Même après un sanglant combat, où elle avait due tomber dans la boue et transpirer. Elle était magique. Elle était mon don le plus précieux même. Elle était ma richesse. Elle était ma lumière. En bref, elle était ma Louane.

      « Luke ? Je crois bien qu'on a de la visite. »

      Elle avait parlé sur un ton inquiet. Je n'eus pas le temps de dire ouf que l'arbre s'écroulait. Ma béatitude volait déjà en éclats. Plus qu'énervé, je saisis mon katana et, en ouvrant les yeux, je vis Étienne, Constantin, et les quatre hommes mystérieux nous faisant face, l'arbre déraciné nous séparant. Ils avaient une attitude défi et le regard haineux, tout comme moi. Je n'aimais pas que l'on me gâche mon bonheur. Louane sortit des nunchakus de sa ceinture : nous étions prêts pour une nouvelle bataille. Un nouvel affrontement, qui serait le dernier on espérait. Je regardai Louane mais ne pus capter son regard une dernière fois, parce qu'elle avait déjà les yeux rivés sur ses prochaines victimes. Je pensai alors que nous étions à deux contre six. Je murmurai :

      « On ferait mieux de partir non ?

      -Pourquoi? répondit - elle sèchement.

      -A vrai dire, ils sont six et on est que deux. Donc bon. En plus ils se battent comme des dieux.

      -Oui tu as raison. Alors voilà ce qu'on va faire : on va s'approcher le plus près possible, puis on va les frôler, faudra faire bien attention à ce moment -là, hein mon amour ?

      -Je te le promets chéri. Est–ce-que tu veux bien m'épouser Louane ?

      -Ooh... Putain Luke c'est pas le moment !

      -OK OK. Alors on y va ! »

      Comme elle l'avait dit, on s'approcha. A pas lents, comme si on avait toute la journée, alors que le soleil venait à peine de se coucher. Louane était à ma droite, et moi à sa gauche. Soudain, nous changeâmes de rythme et prîmes au dépourvu nos six adversaires. On parvint alors à les frôler sans même une égratignure. Ensuite, on cavala de toute de nos forces en direction de la citadelle du défunt Obnut. Nous voyions les gens se rassembler, fêter en musique la fin du tyran. Arrivés aux grilles de la forteresse, on s'arrêta un peu pour souffler. Pourtant, notre pause fut brève car les six étaient à nos trousses. Avec Louane, nous haletions péniblement. On venait de dévaler une colline en entier quand même ! Et puis ça n'était pas tout, on avait dû traverser quasiment toute la vallée en courant. Autant dire que nous étions pantelants. J'essuyai mon visage plein de sueur. On reprit notre course, mais nous l'allions pas tenir comme ça longtemps. Nous tracions comme des forcenés.

      Mais soudain, au détour d'un chemin, dans le village de la forteresse, nous percutâmes de plein fouet une charrette de salades. Je massai mon nez endolori.

      « Luke ? Louane ? Oh merde je suis vraiment désolé, je vais vous aider à vous relever.

      -Merci, t'inquiète pas c'était totalement de notre faute, remerciai–je.

      -Mais, dis–moi pourquoi vous courez comme ça ?

      -Assez long à expliquer. On est tout simplement en train de fuir un combat inégal. »

      De la charrette, émergea une tête. Une tête à la peau mate et possédant une épaisse barbe. JB! Aaaah ça faisait plaisir d'enfin retrouver mes amis. Puis, accoururent Nesrine, Gaëtan, Paul, Maurice, Mathieu, Marie, Satine la renarde et puis Youssef, avec sa charrette de salades. Un grand sourire se dessina sur toutes les lèvres. Nous nous fîmes un câlin collectif, tous ensemble. Tous ensemble, que cela sonnait bien.

      Pourtant, les troubles-fêtes ne tardèrent pas à arriver. Ils dégainèrent leurs sabres. Puis, ils recommencèrent à nous regarder avec des yeux haineux. Sauf que cette fois-ci nous étions dix contre six. La chance avait basculé de notre côté. De plus, nous possédions une force qu'il ne semblait assurément pas posséder : l'amour. Alors cela pouvait paraître un peu benêt, mais une armée individualiste qui luttait contre une armée soudée, harmonisée selon une même note qui symbolisait nos liens d'amour et d'amitié, cela faisait toute la différence. Eux ils étaient colériques et chacun combattait pour sa peau, ce qui les rendraient maladroits. Assurément. Nous ne pouvions perdre cette nouvelle bataille.

      L'ultime bataille, si tout allait bien.