Chapitre 40-Inquiétudes

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(retour au narrateur originel: Luke)

      Je pensais ardemment à Louane. Où était-elle? Que faisait-elle? Et que mangeait-elle même? Mais surtout ma pire crainte était de la voir tomber dans les bras d'Obnut. Déjà, je ne comprenais pas comment Youssef avait fait pour faire confiance à ce tyran, et passer l'arme à gauche. Je ressentais ainsi une  terrible angoisse, qui me comprimait le cœur, à l'idée de perdre Louane et mes amis. Le pire était encore que je ne savais pas s'ils allaient bien, et je souffrais rien que d'y penser. Ils pouvaient très bien être à l'autre bout du monde que je n'en saurais rien.

      J'essayai alors d'éviter de trop songer à eux, en me concentrant sur la discussion avec Chiara. Comment pouvait-elle être la femme d'Obnut ? Elle ne lui ressemblait pas du tout. Je sentais même un peu de bonté en elle, elle était à fond derrière moi pour le projet de libérer les prisonniers. Cependant, elle pensait que je serai plus utile à l'extérieur qu'à l'intérieur du milieu carcéral. Des idées d'évasion nous venaient déjà, alors que nous n'avions même pas quitté l'île de la prison. Par-contre, quant à la libération de mes amis et les moyens d'Obnut, elle restait assez discrète et ne me fournissait que de rares détails. Peut-être que parler d'Obnut, son mari, la faisait souffrir. Lui, qui n'était même pas le grand méchant de l'histoire. Aaah ces sales Créateurs, c'étaient eux les plus vicieux. « Régner sur le monde » quelle absurdité quand même ! Dire que le colonel Étienne en faisait partie était vraiment affligeant. Les projets des Créateurs étaient bien sombres. Si déjà le chef de l'armée d'« Affronter le tableau » est l'un des leurs on était mal barré. A mon avis, il était devenu colonel pour pouvoir contrôler le bon déroulement de la guerre, c'est-à-dire en ajoutant de belles morts, des valeurs patriotiques exacerbées, qui divisent souvent les populations et surtout beaucoup beaucoup de souffrance.

      Avec toutes ces épreuves qui m'étaient tombées dessus, je n'avais pas eu une seule seconde pour ressasser le passé. J'essayais surtout d'avancer en regardant droit devant, surtout vu les défis qui m'attendaient. C'était très très difficile de ne pas penser à Louane, Youssef, JB, Gaëtan, Satine, Nesrine, Marie, Maurice, Paul et Mathieu, que je n'avais pas vus depuis un bon bout de temps. Ils me manquaient. Qui sait si je les retrouverai? Et comment faire pour savoir si je pouvais me fier de la louve?

      Nous partîmes de l'île en bateau à voile. J'avais depuis longtemps oublié les fantastiques sensations que me procurait cette activité. Notre bateau légèrement penché, la voile et le foc gonflés, les cordes s'agitant au gré de la brise légère, les embruns fouettant le visage et ce ciel d'azur qui me remplissait d'espoir. En y repensant, je me rendis compte que j'avais vu tellement de paysages différents, beaucoup trop pour une vie humaine. C'était tout simplement génial d'avoir pu voyager dans le monde artistique. En effet, l'art avait une telle diversité que c'était impossible de le connaître dans son entièreté. Bon j'avoue que mon voyage avait été un peu contraint et je n'aurais jamais pensé, au chapitre 1, vivre de telles aventures. C'était, en un mot, fantastique. A côté de moi, les bleuets manœuvraient le bateau. Je vins leur donner un coup de main.

      « Vous vous y connaissez en bateau ? Demanda Chiara.

       -Oui, un peu. Avec mon grand – oncle, on partait souvent en excursion avec sa voile sur les côtes de la Bretagne, parfois au large. Notre projet c'était de partir de la mer du nord pour faire le tour de la France en bateau, jusqu'au port de Marseille, en passant par le détroit de Gibraltar. Malheureusement on n'a jamais pu réaliser ce rêve.

      -Effectivement c'est un beau rêve.

      -Tout ça me manque. Ma vie d'avant me manque, même si ma nouvelle vie est tellement plus intéressante.

      -Toi et moi on est un peu pareil en fait. On a vécu dans deux environnements complètement différents. J'ai connu la richesse avec Obnut, autant que la pauvreté, avec mes chers bleuets. Il fut un temps où ces derniers avaient été ma seule famille.

      -Ah. J'en suis désolé.

      -Tu n'as pas à t'en excuser. En vérité, je suis plutôt fière de cette période de me vie. C'est elle qui m'a permis de devenir celle que je suis, et de devenir plus forte. Ensuite, c'est grâce à Obnut que je me suis fait un nom.

      -Et euuh c'est un peu indiscret mais comment était votre relation avec Obnut ?

      -Aaaah. C'était aussi fort que spécial. »

      Elle décida de ne pas m'en dire plus. Tout cela était bien mystérieux. En tous cas, j'espérais que le couple avait définitivement cassé. Autrement, on assisterait à une alliance terrifiante. Bon déjà, je devais trouver qui étaient les sept Créateurs. Déjà je savais qu'Étienne en faisait partie. Mais alors pour en trouver six autres c'était vraiment pas gagné. Je pense qu'il me faudra un bon bout de temps avant de les trouver. Déjà, concentrons-nous sur l'essentiel. Commençons par le commencement. Je devais d'abord retrouver Louane et mes amis. Nous arrivâmes à un port, qui semblait plutôt mal fréquenté. Rien qu'à son aspect on le devinait, et puis les têtes affreuses que je vis en arrivant à quai me le confirmèrent. On largua les amarres puis on descendit dans cette ville crasseuse.


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