12 ♥︎

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Ch12, vraie

C'était déjà son troisième verre et elle ne se sentait plus comme elle-même. Elle errait, une âme perdue, lamentée, sans but. Comme un fantôme condamné. La tête qui tournait, des corps qu'elle percutait, entre lesquels elle slalomait, à rire comme une idiote. C'était la première fois qu'elle buvait de l'alcool. C'était aussi une mauvaise idée.

Le vœu d'oublier. Oublier cette dernière semaine, oublier tout ce qui faisait mal, tout ce qui rendait son cœur un peu trop lourd, tout ce qui l'empêchait de respirer. Juste tout oublier, l'espace d'une seconde. Et surtout ces sentiments, qui n'étaient pas les bienvenus, qui étaient décevants. Oui, c'était décevant, d'avoir attrapé cet amour, comme une peste qui se répandait. Décevant de gâcher une belle amitié, ou peut-être même deux. Décevant d'aller à l'encontre de ses principes, de ce qu'elle défendait. Décevant, de devoir en arriver là.

Le vagabondage continuait, tous ses repères envolés. Tellement de gens autour, des visages flous, qu'elle ne pouvait pas voir, qui ne l'intéressaient pas. C'était comme si plus rien n'avait d'importance. Et ça ne lui ressemblait pas. Elle, adepte du contrôle, qui n'avait pas l'habitude de lâcher prise. Ivre, dans une maison inconnue, avec des gens inconnus, et des substances inconnues dans les veines. Mais peut-être que c'était ce qu'elle recherchait ? De sortir d'elle-même, pour une fois.

"Ça va ?"

Une grippe sur son bras qui l'intercepta. Une voix familière, soucieuse, mais réconfortante. C'était Kyoka. Elle avait tout de suite remarqué ; son équilibre fragile, ses pas désorientés, ses joues vermeilles, son air dissipé, son sourire béat, son ivresse. Quelque chose clochait. Elle était devenue anormale, insensée, différente. Son amie était métamorphosée, elle voulait comprendre pourquoi.

Elle prit gentiment son bras et l'entraîna sur le porche d'entrée, loin des gens, du bruit, de la musique trop forte, de l'air trop chaud, de tout. Couchées sur le plancher grinçant, seules, trempées dans la fraîcheur de la nuit, l'air de l'automne écrasé sur leurs joues, dans le silence. Tout doucement, dans l'intimité.

"Alors... qu'est-ce qui t'arrive ?

— Ah... Kyoka. Si tu savais. — rit-elle."

Elle tourna la tête vers elle, Kyoka fit de même. Elles se regardèrent, de longues secondes. L'une pas décidée à parler, l'autre désireuse de l'entendre. Elle avait su voir sous les masques, sous ses sourires et sous ses mensonges. Quelque chose n'allait pas. Parce qu'elle la voyait, moins présente, moins concentrée, plus distante, ailleurs, comme si elle était loin. Mais elle n'avait rien dit de peur de la braquer, ou de la vexer, ou encore de la brusquer. L'heure était venue de mettre fin au silence.

"Qu'est-ce qui t'arrive ? — recommença-t-elle.

— J'ai de gros problèmes.

— Tu peux me parler, tu sais ? Je te jugerai pas.

— Je peux pas t'en parler, parce que... c'est mal. — dit-elle peu fière."

Du désespoir. Le mot d'ordre de la situation. Le contrôle lui échappait. Ce mot qu'elle chérissait tellement, auquel elle se raccrochait comme si c'était la seule chose qui tenait sa vie en place. Elle était rattrapée. Un double jeu consumé, qui atteignait ses limites. Ça commençait à se voir. Faire volte face ne suffirait bientôt plus. La culpabilité grandissait, la rongeait, comme un virus.

Momo était une bonne personne. Une confidente, une amie, quelqu'un sur qui elle pouvait s'appuyer. Ça aurait été facile, si elle était une mauvaise personne, si elle la détestait, mais elle était l'incarnation de la douceur. Elle continuait à lui en parler, de lui, le grand amour de sa vie. Shoto, Shoto, Shoto. Comment faire le deuil d'une personne qu'elle voyait tous les jours et dont elle entendait parler tout le temps ? Il était partout et elle était prise en plein dedans.

I can see the light - Shoto x OCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant