10 ♥︎

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Ch10, tes très beaux yeux
(TW: mention de viol)

"Alors c'est mon tour maintenant ?"

Le cœur emballé. Son passé était plus proche que jamais. Il fallait se lancer, se replonger, oser affronter ce qu'elle fuyait depuis toutes ces années. Une vague de tristesse alors que quelques bribes remontaient dans sa tête. Par où commencer ? Comment aborder ce sujet qui la hantait depuis tout ce temps ? Ce sujet qui la ferait sans doute craquer, qui montrerait la petite fille terrifiée qui se cachait encore en elle, qui la montrerait vulnérable.

Mais avec qui d'autre aurait-elle la possibilité d'en parler ? Est-ce qu'elle pouvait vraiment se défiler une fois de plus ? Est-ce que finalement ce n'était pas ça être faible : fuir dès que la difficulté se présentait ? Peut-être que c'était le moment. Le moment de sortir sa tête de l'eau, d'avancer, d'assumer. Peut-être que c'était le début de ce fameux processus : "tourner la page". Celui qu'elle avait repoussé depuis trop longtemps.

Elle lui jeta un coup d'œil : il attendait. Il fallait se lancer. Il n'y avait plus de marche arrière possible.

"Tu dois me promettre de ne pas en parler à qui que ce soit. — lui dit-elle, très sérieuse.

— Je te promets.

— Alors, par où commencer ? — Était-il prêt ? — Quand j'étais petite, j'avais une vie complètement normale. J'avais des parents qui s'aimaient, on était heureux."

Elle se préparait. Pas tout à fait sûre d'être prête. La partie difficile approchait. Elle appréhendait. Comment rester de marbre ? Comment raconter ce récit ? Celui qui depuis 4 longues années n'avait cessé de la hanter. Celui qui avait fait d'elle ce qu'elle était aujourd'hui. Une soldate. Une battante. Mais aussi une survivante.

"Mais quelque chose est arrivé à ma famille. On nous a cambriolé ; deux hommes se sont introduits chez nous. Mais ils ne se sont pas contentés de nous voler. Ils sont allés beaucoup plus loin."

Beaucoup trop loin.

Son cœur battait à tout rompre, une montée d'angoisse ingérable, proche de l'implosion. C'était une marrée haute d'anxiété dans son corps. Le contrôle lui échappait. Elle compressa ses mains contre sa poitrine, expira l'air, un, deux, trois. Elle devait rester calme. Calme. Résister. Rester forte. Elle compressa ses mains sur cette poitrine serrée qui l'empêchait de respirer, comme si ça pouvait bloquer la douleur, la terreur, se répétant ces mots à tue-tête, comme s'ils pouvaient la sauver. Calme. Résister. Rester forte.

Lui la regardait, perturbé. C'était la première fois qu'il voyait ce côté d'elle. La première fois qu'il voyait la panique, l'angoisse, la peur, la tristesse, la détresse, sur son visage d'habitude si taciturne. C'était très bizarre. C'était comme s'il avait tracé la possibilité qu'elle puisse ressentir ces choses. Mais elle restait une fille normale, avec une histoire, des pensées, des émotions. Il réalisait mieux : tout n'était qu'une préface, une fine couche protectrice, derrière laquelle elle se cachait.

"Ils ont commencé par battre mon père qui essayait de nous protéger, et ensuite ils... — Sa voix craqua en finissant cette phrase qui lui arracha la gorge. — Ils ont violé ma mère."

Et c'était l'angoisse. La terreur retrouvait son chemin en elle, se répandait dans son estomac comme un virus, la rongeait de l'intérieur comme une maladie, et elle redevenait une petite fille. La petite fille qu'elle était lorsque le drame était survenu. Une petite fille qui avait vu sa vie défiler, trébucher, s'écrouler, comme un vulgaire château de cartes, comme si ça ne valait rien de plus. Une nuit qui avait coûté cher, qui avait signé la fin de son bonheur.

I can see the light - Shoto x OCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant