34 ♥︎

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Ch34, tuer

Expiration. Tout l'air s'était vidé, elle s'était mise sous vide, pas un souffle ne pouvait passer dans ses tubes respiratoires étriqués. Elle rehaussa son torse, fièrement bombé. Le menton haut, l'œil plissé, alignant le viseur à la cible qui se dessinait droit devant, 50 mètres plus loin. Elle leva le bras gauche, perpendiculaire à son épaule, tous les muscles tendus, le poids de l'arc la faisait trembler. Puis elle tira l'autre, replié sur lui-même, ses doigts accrochés à l'embout de la flèche méticuleusement enfilée dans l'encoche. Elle s'était étirée à son tour, alors qu'elle avait lentement tiré son extrémité, prête à tout relâcher.

Elle avait maintenu la posture, les jambes légèrement écartées, un appui d'acier pour bien sentir le sol et se mettre en confiance. Une manip automatique, des réflexes machinaux, elle les avait retravaillé mille fois pour effleurer la perfection. C'est seulement une fois qu'elle avait été certaine que tout était irréprochable qu'elle l'avait lâchée.

Le projectile se propulsa, fendant l'air comme un couteau. Ça allait tellement vite qu'en un clignement de cil, en moins d'une seconde, la flèche était déjà fourrée dans la cible. Elle avait fermé les yeux, comme pour garder le secret, pour entretenir la surprise, avant de découvrir le résultat.

Pas n'importe quel résultat. C'était aujourd'hui que ça se jouait. Aujourd'hui elle battrait son record. C'était planifié comme ça. Aujourd'hui la flèche se planterait dans le cercle central et ne laisserait aucun doute en transperçant la cible. Un dix parfait. C'était ce qui était prévu. Une réussite ou rien. Parce qu'aujourd'hui elle était évaluée, aujourd'hui elle était épiée, et une note serait décidée, suite à sa performance, ainsi qu'une décision, pour laquelle elle s'était entraînée sans relâche depuis sa sortie.

Ça sera un dix.

Et c'était un dix. Un dix sans soupçon, sans hésitation, sans discussion. Un dix. Net, propre, simple.

Ça avait presque eu l'air facile.

"Pas mal du tout. — une voix lasse qui la tira hors de sa concentration transcendante, elle l'avait presque oublié, debout au bord du terrain, avec son calepin entre les mains. — Ça me semble judicieux d'incorporer ce talent à ton combat. — constata le professeur. — J'accepte.

— Vous acceptez ?

— Tu pourras passer voir la filière assistance pour le matériel qu'il te faut. Continue comme ça. »

Il avait tourné les talons, et elle avait pu voir, après quelques mètres, que la page de son petit cahier était restée blanche. Il n'a rien écrit. Il voulait me tester ?

Elle détourna les yeux sur cette flèche, cette flèche qui symbolisait sa ferveur. Une flèche qui pouvait tout transpercer, tout abattre. La réalisation montait doucement : elle avait réussi. Deux semaines, jour et nuit sur ce terrain, à se donner des crampes à tous les muscles possiblement existants, en réarmant cet arc, et à avoir envie de le casser quand la flèche passait à côté. Mais aujourd'hui elle était là, triomphalement perchée dans ce dix.

Elle avait souri, comme si tout s'était ensoleillé, et elle s'était laissée tomber sur le terrain, étalée sur ce parterre frisquet, les bras et jambes étendus, abandonnée à elle-même, les yeux fermés, un cœur pétillant. Elle prenait le temps de se célébrer. Célébrer sa réussite. Célébrer ce chemin, qui avait été un peu sinueux et tordu. Célébrer son corps, avec lequel c'était toujours difficile, qu'elle avait détesté toutes ces fois, et eu envie de disséquer, par envie de tout changer. Ce même corps qui l'avait accompagnée à travers tout. Ce corps qui ne l'avait jamais lâchée. Ce corps dont elle voulait se rapprocher, et qu'elle commençait tout juste à réapprendre à aimer.

I can see the light - Shoto x OCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant