Chapitre 53

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Chapitre 53

Ingrid

1 semaine plus tard...

Cela fait déjà sept jours que Sven et moi avons commencé à nous voir en secret la nuit. Et sept jours que je suis par la même occasion, enfermée ici, à entendre la pluie tomber sans relâche sur les volets cloués de ma fenêtre. Je commence à regretter ma décision de rester ici pour soutirer des informations à l'ennemi, ennemi que je n'ai pas revu depuis notre dîner, le jour de mon arrivée. Si on ne continuait pas à m'apporter quotidiennement à manger, j'aurais pu croire qu'on m'ait oublié.

Ma seule source de lumière provient des bougies qu'Olga me ramène par dizaines chaque matin. Même si je n'ai plus de montre, j'ai l'impression qu'elle vient tous les jours à la même heure. Il me suffit d'ouvrir les yeux pour entendre le cliquetis de la clé dans la serrure, pour qu'elle apparaisse comme par magie dans la pièce. Même si temps s'écoule, je vois bien qu'elle réfléchit avant de prononcer la moindre parole, comme si elle passait d'abord en revue dans sa tête, ce qu'elle a le droit de me dire ou non. N'est-elle pas fatiguée de marcher en permanence sur des œufs ? J'aimerais que nous discutions d'autre chose que de cette météo affligeante qui retarde le séchage des fleurs, et par la même occasion, notre cheval de Troie, ou du repas prévu pour le déjeuner. À chaque fois que je l'interroge à propos de l'absence d'Aesir, elle hausse les épaules en me répondant qu'elle ne sait rien, alors que je vois dans son regard fuyant, qu'elle me ment.

Les jours qui nous séparent de la pleine lune s'amenuisent, et ce compte à rebours est à la fois aussi excitant qu'angoissant, car je sais que tant que Sven n'aura pas accompli sa mission, je n'arriverais pas à le convaincre de rentrer.

J'ai demandé à Olga de m'apporter des livres pour me distraire, mais c'était sans compter sur le fait que je ne sache pas déchiffrer les runes. Résultat des courses, ma servante attitrée, me demande de lui faire la lecture car elle pense que je suis une noble et par conséquence instruite. Je joue le joue et fait semblant de comprendre, en passant mon index sur les pages et en lui racontant à voix haute les mésaventures de Cendrillon et de la Belle aux Bois dormant. Au début, Olga a tiqué, étonnée que les ouvrages qu'elle aie maintes fois vues dans le skalar du jarl contienne ce genre de récits, mais je sais qu'elle n'oserait jamais oser me livrer le fond de sa pensée. Heureusement pour moi, j'ai passé mon enfance à visionner les Walt Disney en boucle et que je connais par cœur les histoires, ce qui me permet de faire illusion.

— Voulez-vous que je vous natte les cheveux ?

Un soupir de lassitude s'échappe de mes lèvres. J'ai expliqué à Olga de quelle façon il fallait brosser mes rajouts pour ne pas les abîmer, et depuis, elle n'arrête plus de me proposer de les coiffer. Cela doit bien faire la troisième fois aujourd'hui qu'elle souhaite tester une nouvelle coupe sur ma personne. J'ai l'impression d'être une de ces têtes à coiffer qu'on reçoit en cadeau, petite, pour s'entraîner à faire des tresses dessus.

Mais comme c'est notre seule source de distraction à toutes les deux, j'opine, un avec sourire de façade. Je m'installe sur le guéridon en face du miroir et observe le reflet d'Olga dans la glace. Ses gestes sont rapides et habiles.

Les mains nouées, je me dandine sur l'assise, agacée de tourner ainsi en rond.

— Olga, êtes-vous certaine de ne pas pouvoir glisser un mot en ma faveur aux gardiens ? Je ne demande pas à me promener librement dans Jelling, ils m'accompagneront, cela va de soi, mais au moins prendre un peu l'air. Je vais devenir folle, ici !

— Mais mademoiselle Ingrid, il pleut...

— Je m'en fiche. Aesir n'est pas là, alors profitons-en ! Qui le saura ?

De feu et de glaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant