Chapitre 41

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Ingrid

La brûlure sous mes paupières est insoutenable. Un timide sourire aux lèvres, j'écoute d'une oreille distraite, les paroles d'Hilda, la mère de Sven. Le dos tourné, il m'est impossible de chercher mon fiancé du regard pour qu'il vienne à ma rescousse.

— Vous savez, être la femme d'un grand jarl implique de grandes responsabilités.

— Hm, hm.

Un nœud se forme au creux de mon estomac devant l'intime conviction d'Hilda de réussir à persuader son fils de ne plus quitter la péninsule du Jutland. Une part de moi se sent coupable de ne pas pouvoir lui donner d'explications. Comment Sven va-t-il justifier notre départ à la prochaine pleine lune ?

— Vous devrez à la fois tenir votre skalar, garder de bonnes relations avec les clans voisins...

Le cerveau en ébullition, je ne cesse de me demander ce qui a bien pu mettre Sven dans une telle colère au point qu'il hurle sur Folker. Sortir de ses gongs ne lui ressemble pas. Rongée par la curiosité, je n'ai qu'une envie : rejoindre Sven. Seulement, je doute pouvoir prendre congé aussi facilement auprès d'Hilda sans risquer de m'attirer son courroux. Mal à l'aise, je baille volontairement pour lui rappeler que son fils et moi sommes arrivés au beau milieu de la nuit.

— Oh, que je suis confuse, vous devez être morte de fatigue après ce long voyage.

Alléluia, enfin.

— Vous ne souhaitez pas assister à notre réunion ?

Confuse, je serre les poings. Cela m'était complètement sorti de la tête, et maintenant il est trop tard pour faire marche arrière.

— Sven me racontera ce que j'ai besoin de savoir demain matin.

— Comme il vous convient. Il y a un renfoncement inoccupé de ce côté-ci de la grotte, je vais vous montrer le chemin. On ne voit plus grand-chose avec les quelques flammèches qui subsistent du brasier.

Je la remercie pour sa gentillesse et la suit d'un pas hésitant. Plus nous nous enfonçons dans l'abri, plus l'odeur des latrines de fortune improvisées au fond de la grotte s'intensifie. Je tousse en réprimant en haut le cœur, en m'obligeant à respirer par la bouche pour ne pas vomir.

— Vous verrez, Ingrid. En temps de guerre, on s'habitue à tout. Voilà, c'est ici, m'annonce-t-elle en s'arrêtant.

Je jette des coups d'œil de tous les côtés avant de comprendre que c'est à même la terre poussiéreuse que je vais devoir tenter de me reposer.

— Est-ce que ça ira ?

Ai-je le choix ?

— Bien sûr.

Les pieds en compote, je m'assieds et porte les doigts à ma bouche pour souffler sur mes mains glacées afin de les réchauffer. Le regard d'Hilda s'amarre sur mes chaussures détrempées, pour ne plus les lâcher. Les battements de mon cœur s'intensifient. Quel mensonge vais-je bien pouvoir inventer pour justifier la provenance de mes baskets à la célèbre virgule, de couleur rose et noir. Ma seule chance de m'en tirer est de réussir à lui faire croire qu'elles sont typiques de la Germanie, même si je me doute qu'elle n'est pas dupe. Sven et moi devons absolument coordonner nos versions si nous voulons parvenir à donner le change jusqu'à notre départ. Alors plutôt que de gaffer, je m'abstiens de satisfaire sa curiosité.

— Je vous remercie pour votre accueil et vous souhaite une bonne nuit, je lui dis afin de clôturer cette première rencontre.

Hilda se redresse, encore absorbée dans l'observation de mes lacets.

De feu et de glaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant