17. Réveil difficile

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                    Bip. Bip. Bip. Le son était strident, le spot orienté vers mon visage me brûlait la rétine, les murs blancs, la perfusion et le tensiomètre ne me disaient rien qui vaille.

     — Ah ! J'ai mal à la tête !

     — C'est ça de se fritter avec un chêne !

     — Isaac ? Je suis où là ?

     — Au centre hospitalier Alpes Léman. Ne me demande pas ce qu'il s'est passé, je n'en sais rien. C'est un collègue à ton père qui t'a trouvée en faisant sa ronde. Tu étais au sol, la cheville coincée dans une souche.

     — Oh... Je vois. Du coup, j'ai quoi ? Je peux rentrer ?

     — Tu crois vraiment qu'ils laissent les gens repartir comme ça, parce qu'ils se réveillent comme une fleur ? Ça fait cinq heures que tu es dans les vapes. Ton père est mort d'inquiétude, on l'est tous... Putain Sophie, ça te viendrait à l'idée de prendre ton portable quand tu pars courir ?

                    Isaac était là, les yeux rougis, à se frotter les mains dans un geste compulsif. Il haussa un peu le ton, histoire de me montrer qu'il n'était pas content. Autant Jeff et Jérémie étaient de grands stressés, autant Isaac n'avait pas paniqué de la sorte depuis un bon moment, même pas pour ma récente crise d'asthme. J'essayais de me rappeler ce qu'il s'était passé.


                    Je suis partie courir, voulant me vider la tête, en direction de la forêt derrière chez Jeff aux alentours de 13 h. Je me rappelle avoir dérangé une famille de cervidés et avoir dû fuir à toutes jambes. Étant en pleine période de brame, il était inconscient pour moi de partir en forêt, car les animaux n'hésitent pas à charger en cas de présence humaine à cette période. En qualité de fille de garde-chasse, j'aurais dû m'en souvenir. Heureusement que j'avais ma balise au poignet. « Jeff a peut-être raison, mon cerveau est saturé d'infos, il n'arrive plus à suivre ! » Cette pensée me fit sourire, mais il y avait du vrai. À force de tout retenir, je ne me rappelle plus des choses importantes, au moment opportun.

                    Cette balise était un bracelet, contenant une puce GPS... Papa me l'avait offerte un Noël, à l'époque où j'étais en club de randonnée de haute montagne, au lycée. C'était une grosse dépense, mais cette activité pouvait être dangereuse, surtout l'hiver. Avec son métier, il voyait trop d'accidents. Il ne voulait pas me laisser seule, sans pouvoir me suivre à la trace.


                    Papa revint vers nous en rapportant deux cafés, pour lui et Isaac. Me voyant réveillée, il posa les boissons sur la console, s'approchant de moi le regard sombre. Pendant quelques secondes, son expression de colère me glaça et je crus recevoir une grande gifle. Non pas qu'il soit de nature violente (j'ai dû prendre en tout et pour tout une demi-douzaine de roustes que j'avais sûrement méritées), à la place, il me serra dans ses bras et me chuchota « je suis désolé ». Je ne m'attendais pas à ça et je compris d'un coup qu'il s'en voulait.

     — Non, papa, c'est moi qui m'excuse, j'aurais pas dû m'enfuir comme une ado boudeuse. J'avais pas à partir en forêt sans réfléchir.

     — Je vais avoir du mal à me faire à ton nouveau mode de vie, je vais pas te mentir. Je suis une personnalité publique, dans ce village et le qu'en dira-t-on est à éviter. Néanmoins, tu as raison, je n'ai pas à t'interdire de vivre ta vie sous prétexte que tu habites sous mon toit. On va devoir avoir une conversation et s'imposer des règles de cohabitation.

L'AFFRANCHIE - Tome 1 : L'apollon et la NoctuelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant