3.Chez Jeff

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               Simultanément au travail de pion, pendant environ cinq ans, Jeff a suivi des études de master en commerce international à Lyon. A la réussite de son diplôme, il a été directement engagé comme Directeur de magasin chez les galeries Lafayette à Annecy. Nous nous sommes toujours demandé comment il avait pu rentrer directement à un poste aussi haut, en sortant des études, mais malgré un poste à hautes responsabilités qui était accompagné d'un gros chèque tous les mois, Jeff savait rester humble, pas comme Jérémie ou les jumelles.

               Pour survoler un peu la carrière de chacun à cet instant de l'histoire, Maria et Lanna étaient maquilleuses et vendeuses conseils chez Séphora à Annemasse. Bizarrement, cela collait encore et toujours à leur image de bimbos écervelées. Jérémie, fils de député, était gestionnaire immobilier à son compte. Il s'occupait des quatre immeubles d'habitations appartenant à son papa. Son Paint-House, un appartement luxueusement aménagé, était d'ailleurs dans l'un d'eux, à Thonon-les-Bains. Ce garçon était né avec une cuillère en argent dans la bouche et la modestie ne l'avait jamais étouffé. Isaac et moi étions les seules personnes de la bande aux revenus et mode de vie « modestes ». Isaac était clerc de notaire à La-Roche-sur-Foron. C'est d'ailleurs comme cela que nous nous sommes connus, car c'est son cabinet qui a géré la succession de maman.

               Moi, j'étais encore dans les études, essayant tant bien que mal de percer comme Éditorialiste. J'avais obtenu mon Bachelor Journalisme un an avant, en 2016 et là, je venais d'entamer un cycle Master Professionnel de Journalisme, mon but étant de devenir la nouvelle « Mme Jacquemin », grande reporter française. Elle comptait parmi les premières femmes françaises à devenir « Grand Reporter » ! Je suivais son travail avec admiration.


               Je me retrouvais seule dans cette grande maison, le petit-déjeuner déjà servie sur la table avec une autre carte disant « Régale toi et pardon d'être si con ». Se donnant du mal, il était allé très tôt à la boulangerie chercher des viennoiseries et plusieurs sortes de petits pains. Il avait préparé du café et avait même pris soin d'acheter du jus d'orange, lui qui n'en buvait jamais. En repensant à sa confession de la veille, je pris la décision de « laisser les choses venir d'elles-mêmes », comme il me l'avait suggéré pendant la dispute. Après tout, cela rendrait peut-être les choses plus simples.

               Je remarquais une photo de nous deux, prise à la patinoire trois années plus tôt. Il l'avait faite encadrer, au format A3 et mise sur la cheminée. En voyant cette photo, je m'imaginais ce qu'il pourrait dire aux filles qui passaient entre ses draps : « c'est ma petite sœur ». Je partis sous la douche me refaire un coup de propre. Je lui piquais un de ses boxer sur l'étendoir à linge, n'ayant pas de dessous de rechange, à part ceux pour la soirée qu'il était hors de question que je salisse. À ma grande surprise à la sortie de la douche, il était là, rigolant de me voir me balader en boxer et tee-shirt lui appartenant dans sa maison, me taquinant au passage :

     — Tu es ultra sexy comme ça, dis donc. Tu vas faire un malheur ce soir !

     — Très drôle, mais tu ferais moins le malin si c'est toi qui étais contraint de porter un de mes tangas ! dis-je en retournant m'habiller dans la chambre.

     — Même pas pour tout l'or du monde ! Sachant que j'ai toujours un kit de premier secours à l'intérieur de ma boîte à gant, juste au cas où...

               J'étais très étonné de le savoir si prévoyant. Lui qui passait parfois plusieurs soirées ou nuits au boulot, je me demandais combien de ses « Kit » se baladaient dans la nature. Possédait-il une ou deux régulières, chez qui il pouvait se permettre de laisser ses kits de secours ?

L'AFFRANCHIE - Tome 1 : L'apollon et la NoctuelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant