Les Serres d'Argent

Peine et inquiétude

Onde scrutait le ciel avec inquiétude. De lourds nuages d'orage s'amoncelaient dans le ciel, et le grondement lointain du tonnerre promettait l'arrivée de la pluie. Le village l'accueillerait avec joie et soulagement : elle éteindrait les dernières flammes de l'incendie. Celui-ci s'était miraculeusement éteint, et seules quelques flammes subsistaient.

La forêt autour du repère des Griffes de la Nuit avait été consumée par le feu, et des parcelles de terres noircies et fumantes apportaient à ce lieu déjà sinistre une touche macabre et glaçante.

Les dragons dont la mission avait été de délivrer les villageois prisonniers étaient rentrés quelques heures plus tôt, fourbus, effrayés et blessés, mais vivants pour la plupart, les prisonniers à leurs côtés.

Onde s'était précipitée vers les dragons, impatiente de revoir Alkaryon ainsi que Tempête, qu'elle croyait faire partie des prisonniers. Sa joie avait aussitôt été remplacée par de l'inquiétude lorsqu'on lui avait annoncé que personne ne savait où était Alkaryon et qu'elle avait appris que Tempête ne figurait pas parmi les dragons rescapés. Pour en rajouter à son inquiétude, Étoile de Neige avait, lui aussi, disparu. Personne ne l'avait vu depuis la veille, lorsque les missionnaires étaient partis pour le repère des Griffes de la Nuit. Onde espérait que le dragonnet ne s'était pas égaré dans la forêt qui entourait le village ou qu'il ne s'était pas blessé en jouant.

Elle essayait de rationaliser. Étoile de Neige était un dragonnet, sans doute s'amusait-il dans un coin du village sans voir le temps passer. Mais un mauvais pressentiment qu'Onde ne parvenait pas à chasser nouait son ventre.

En attendant, Alkaryon n'était toujours pas revenu. Onde craignait qu'il ne dise blessé dans la forêt. Elle avait appris que des soldats de la Reine avaient attaqué les dragons du village, sans vraiment qu'ils ne sachent pourquoi ni ce que faisaient les soldats royaux dans ces bois. Le mystère qui entourait le feu était tout aussi grand.

Le tonnerre résonna une nouvelle fois. Quelques secondes plus tard, une pluie torrentielle se déversa du ciel. Onde ne bougea pas pour autant, continuant à scruter le ciel avec espoir.

Finalement, ne voyant toujours aucun signe d'Alkaryon, elle s'ébroua et retourna à l'intérieur.

Elle y trouva Roche, discutant avec une dragonne du village, non loin du feu. Les deux dragons semblaient bien s'entendre, et Onde s'en réjouit pour Roche. À sa grande surprise, elle ressentit également une pointe de jalousie qu'elle réfréna aussitôt. Roche avait le droit de passer du temps avec une autre dragonne qu'elle.

L'amie d'Alkaryon, Panthère, parlait avec Sheitan et Tornade. Ils paraissaient plongés dans une discussion animée, et en s'approchant, Onde comprit qu'ils parlaient des soldats de la Reine.

— ... louche, disait Sheitan.

— Quelqu'un a dû prévenir les soldats que nous attaquions le repère, c'est forcément ça, souffla Panthère.

— En quoi cela intéresserait-il les soldats ? s'esclaffa Tornade. Ils se fichent complètement de petits villageois tels que nous. Tant qu'on ne cause pas de problème et qu'on reste à l'écart des affaires de la Reine, ils nous fichent la paix.

— Peut-être qu'ils voulaient protéger les Griffes de la Nuit, suggéra la dragonne des Dunes.

— C'est absurde, contra Sheitan. De plus, je te rappelle qu'ils ont eux-mêmes réduit en cendres leur repère. Et pourquoi protégeraient-ils ces immondes créatures ?

— La Reine est tordue. Peut-être qu'elle s'en sert dans des expériences de magie noire.

Pour toute réponse, Sheitan éclata de rire. Panthère se renfrogna.