Chapitre 2: La Pierre d'Illusions. ( Partie 2)

26 6 9
                                    

Ofelia resta sans voix. Il poursuivit :

— C'est très malpoli de ne pas répondre. Ça l'est encore plus de renverser les gens dans la rue et de ne pas s'excuser.

Ofelia fit volteface d'un air scandalisé. Elle présenta ainsi son visage à la lumière. Ryū eut alors le privilège de la voir. Il ne pouvait le nier, elle était magnifique. Ofelia avait une telle présence qu'elle illuminait toute la pièce. Le jeune homme avait reconnu son parfum.

— Eh bien ! rétorqua-t-elle. Ne t'a-t-on jamais appris à ne pas marcher au milieu de la chaussée ? La prochaine fois, regarde devant toi. Cela t'évitera bien des désagréments.

Ryū ouvrit la bouche de surprise et fit « tût ». Le parfum était bien celui d'Ofelia. Par la suite, il s'intéressa à son corps. Il regarda ses avant-bras, puis il toucha son visage. Il se souvenait encore de sa chute.

— Tu ne rêves pas, tu es bien tombé du dos d'un dragon. Ma mère t'a soigné, expliqua Ofelia. Essaie de te reposer. Tu pourras rentrer chez toi demain, conclut-elle.

— Je dois au moins prévenir mon père.

— Avec ton sale caractère, il vivra bien une nuit sans toi.

Ofelia quitta la chambre. Dos contre la porte, son sourire s'effaça, remplacé par l'inquiétude. Pourquoi la présence de Ryū la perturbait-elle autant ? Comme une évidence, elle avait la sensation de le connaitre depuis toujours. Ofelia avait la certitude que sa vie venait de basculer à partir de cet instant. En bon ou en mauvais ? Elle l'ignorait. Elle décolla la tête de la porte et s'en alla.

Ryū s'allongea une fois seul. Son regard se promena dans la chambre. Elle lui parut impersonnelle. Il sentit les taies d'oreiller et la couverture. Ils étaient imprégnés de ce même doux parfum. Cette chambre n'avait finalement besoin de rien de plus. Ryū fit face à la fenêtre et tenta de retrouver le sommeil. Le reste de la nuit se passa sans trouble.

Ofelia se leva le lendemain plus tard que d'habitude. Elle glissa sa main sur les draps. Camélia était déjà levée. Elle se rendit à la fenêtre d'un pas nonchalant et ouvrit les volets. Les vestiges de la forêt se dessinaient au loin. 

Quelques fumées s'élevaient encore au loin. L'humeur de la Fandragore devint maussade. Cela faisait de longs mois qu'aucun oiseau n'avait chanté à sa fenêtre. Ce gris persistant peignait un triste tableau de la forêt jadis lumineuse.

Ofelia prit son bain et s'installa devant le miroir de Camélia, une chose qu'elle ne faisait pratiquement jamais. Elle ouvrit les nombreux flacons et les sentit. Elle ne se retrouvait pas au milieu des produits de beauté. 

Elle abandonna finalement l'idée du maquillage. Sa main caressa son cou nu, et une inquiétude apparut dans ses yeux. Elle le couvrit avec un châle. Elle se vêtit d'une robe jaune, et rejoignit Camélia à la cuisine.

Le regard de la Fandragore se perdait sur sa tasse de thé à peine entamée. Les cernes sous ses yeux témoignaient de sa courte nuit. Elle s'efforça de sourire à l'entrée d'Ofelia. La table était déjà dressée. Au menu, de la salade, des fruits, une soupe de légume.

— Bonjour, Maman, dit Ofelia en s'attablant.

— Notre invité dort-il toujours ? demanda Camélia d'une voix fatiguée.

— Je suppose, répondit-elle promptement.

— Il ne m'inspire pas confiance. Je souhaiterais que tu ne le revoies plus.

— Je ne compte pas le revoir, s'empressa de répondre Ofelia. Il est fort désagréable et malpoli, ajouta-t-elle pour donner plus de crédibilité à ses propos.

La réponse d'Ofelia semblait fausse et elle le savait. La conversation des deux Fandragores fut soudainement interrompue par le tambourinement de la porte. Ils se levèrent avec le même sursaut. Elles n'avaient pas l'habitude de recevoir de la visite.

— Ils sont là pour moi, affirma une voix qui sortait des marches.

Les deux Fandragores se tournèrent vers Ryū. Il montrait une meilleure mine. Ofelia se dirigea honteusement vers la porte. Elle espérait qu'il n'ait rien entendu de leur conversation. Pol et Abel se présentèrent devant la porte. Le temps avait passé, mais Pol était le même dandy courtois avec quelques cheveux gris. 

Quelques rides fleurtaient avec son front et les coins de ses yeux. Il portait un costume bleu marin assorti à sa cape. Les deux hommes parurent déconcertés par Ofelia. Ils esquissèrent leur plus beau sourire. Camélia demeura stoïque à côté de la table.

— Je vous salue mesdames, dit poliment le dandy.

Ofelia s'écarta avec le sourire et les laissa entrer.

— Ryū, je suis content que tu n'aies rien, souffla Pol.

Il s'approcha de son fils et l'étreignit.

— Papa ! Arrête maintenant. Je vais bien, répondit le jeune homme gêné.

— Mesdames, je n'ai pas de mots pour vous remercier, affirma Pol en esquissant son plus beau sourire. Je ne me suis pas présenté. Pol Onfroy.

— Votre fils est bien trop modeste, répondit Camélia. Il est le héros incontesté de cette incroyable histoire. Il va mieux et je souhaiterais que vous partiez à présent. S'il vous plait, ne revenez plus jamais !

Toute l'assistance trouva excessive cette réaction de Camélia.

— Vous ne semblez pas beaucoup m'aimer. Laissez au moins la liberté à votre fille de choisir ses amis. Visiblement, sauver des personnes désagréables et malpolies semble être son délire, répondit Ryū en esquissant un sourire mauvais.

— Ryū, cela suffit ! intervint Pol excédé et embarrassé. Nous n'allons pas abuser de votre gentillesse plus longtemps, poursuivit le dandy.

— À bientôt, Ofelia.

Ryū jeta un regard mystérieux à Ofelia puis il suivit son père hors de la maison. Camélia se contenta de claquer la porte derrière eux. Pol mit ses gants, il jeta un regard excédé à son fils et prit les devants.

Ofelia, la Fille Fleur. Tome1: Origines.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant